Une première démo, Ite Missa Est, en 2009 et
puis, plus rien... Jusqu'à ce « Eschatonizer », véritable coup de
tonnerre au sein du landerneau noir hexagonal (mais pas seulement). A son
écoute, une question s'impose, évidente : comment ces Savoyards venus de
nulle part - comprendre que rien dans leur obscur pedigree ne laissait imaginer
un tel résultat -, ont-ils pu enfanter une réussite de cette ampleur ? Une
ampleur inégalée, osons l'affirmer, dans un style, le black metal d'obédience
symphonique, qui ne pardonne pourtant ni la médiocrité ni la facilité et encore
moins l'approximation. Fidèle à une tradition initiée et portée au sommet à la
fin des années 90 par les Norvégiens Emperor (surtout) et Dimmu Borgir,
auxquels nous sommes souvent bien obligés de penser en nous plongeant dans les
méandres tentaculaires de cette partition brillant d'une noire flamboyance,
sans que ces références ne se révèlent jamais envahissantes, mais trop
intelligent et déjà mature pour se limiter à une pale resucée, à un simple hommage
uniquement recouvert des habits de la modernité, la horde n'en imprime pas
moins d'emblée sa griffe, acérée et féroce. Et alors qu'on le croyait sinon
moribond, l'érection au moins en berne, le genre reprend soudain des couleurs.
Sombres. Forcément très sombres. Ambitieux et exigeants, les Français ont pris
soin de ne rien laisser au hasard, mettant d'emblée les petits plats dans les
grands : signature chez Osmose Productions, label riche d'évocation pour
les vieux cons que nous sommes, prise de son enveloppante, assurée par Dave
Otero (Nightbringer), visuel ad hoc dû au maître Paolo Girardi et invités à
foison par lesquels nous ne sommes pas étonnés de croiser Rose Hreidmarr,
chanteur d'un Anorexia Nervosa jamais remplacé même s'il n'est pas officiellement
mort et dont Deathcode Society est un peu le dauphin que beaucoup attendaient.
Messie d'un art noir dont la puissance luxuriante se conjugue à une emphase
ténébreuse, le groupe accouche d'un premier album d'une densité hallucinée.
Durant près d'une heure, il tresse un maillage tendu en une stratigraphie complexe de couches qui
se chevauchent. Corollaire de cette architecture cyclopéenne, les pièces
d'orfèvrerie qui la composent, affichent une richesse aussi foisonnante que
saturée qui peut parfois les rendre presque (faussement) indigestes. De fait, il faut
multiplier les explorations dans les profondeurs de leur cavité intime pour
goûter pleinement leurs trésors, au risque sinon de passer à côté d'un menu qui
pèche presque par excès, excès de trop vouloir en dire, de trop en
mettre. Cette impression de devoir affronter un bloc rempli jusqu'à la gueule
est renforcé par la durée conséquente des titres qui oscillent tous entre six
et dix minutes au compteur, à l'exception de la reprise foudroyante du 'Metal
Meltdown' de Judas Priest, et par un style bourgeonnant par nature. Reste que
ces défauts de jeunesse sont vite balayés par la force épique d'une écriture
tumultueuse, chaque composition galopant à travers un paysage reptilien que
façonnent, tout du long, écoeurants de maîtrise, des musiciens à l'unisson
d'une violence millimétrée. Ceux-ci emplissent l'espace d'une toile compacte où
s'entre-mêlent lignes de guitares à la fois tranchantes et virtuoses, nappes
synthétiques grandiloquentes et blasts furieux. 'The Mark Of Cain', 'NooS' ou
'Nail' sont ainsi les réceptacles monumentaux d'un organisme tentaculaire charriant une noirceur apocalyptique.
Gageons qu'une fois qu'il aura su canaliser sa sève créative, Deathcode Society
se montrera encore plus triomphant qu'il n'est déjà. Autant dire que la suite
devrait faire mal, très mal... 4/5 (2016)
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