12 avril 2023

KröniK | Slægt - Goddess (2022)




Curieuse trajectoire que celle épousée par Slægt, groupe danois actif depuis une dizaine d'années. Au départ, une formation qui macère dans le jus d'un black mélodique assez obscur. Un split partagé avec le non moins underground (et culte) White Medal incarne ces premiers pas. Plus tard, deux albums chez Van Records, label au choix souvent audacieux, traduisent une lente évolution vers une expression moins orthodoxe car nourrie au heavy metal et affranchie du carcan imposé par le genre, le tout nimbé d'une couche mystérieuse sinon ésotérique. Les Danois se sont peu à peu taillés une réputation flatteuse. Le puissant et malin Century Media ne s'y est donc pas trompé en les signant pour leur quatrième effort longue durée, alliance qui devrait apporter au groupe une visibilité qui lui faisait toujours défaut. Goddess constitue d'ailleurs la porte idéale pour pénétrer son univers, dont la forme est rugueuse et mordante, le fond, étrange et ténébreux. Pourtant, le visuel, superbe au demeurant, coloré et viking, semble annoncer une offrande chargée de hard rock un peu stoner et d'inspiration nordique, à la manière du Age Of Winters de The Sword ou de The Flight Of Sleipnir. Si certains riffs et soli, d'une beauté épique, attestent de cette influence 70's, témoin la grandiose et captivante entame 'Deceived By An Amathyst', l'identité des Danois s'avère bien plus complexe. Accrocheuse certainement mais non moins brutale et sinueuse. 

De fait, certes plus accessible qu'à ses débuts grâce au sang franchement rock et seventies qui coulent dans ses veines, Slægt n'a toujours pas coupé le cordon qui le rattache au black metal, amarres qu'il ne larguera d'ailleurs sans doute jamais. Pourquoi le ferait-il puisque c'est justement dans cette noirceur rocailleuse lardée d'effusions mélodiques que son étonnante personnalité s'exprime. Le chant hargneux et meurtri alimente la première tandis que les guitares gonflées d'un fluide typiquement heavy metal matérialisent les secondes. Le résultat se révèle surprenant à l'image du long morceau titre, pièce tortueuse de 11 minutes où la majesté de six-cordes lumineuses quoique drapées d'un suaire de tristesse le dispute à des vocalises abruptes creusant dans la roche de sombres saignées. S'il procure l'envie de taper du pied ('Fealty, Thunder Whip') ou de tout casser ('Kiss From A Knife' aux relents quasi punk), Goddess répand surtout un charme envoûtant et néanmoins teigneux. Tout du long équivoque et écartelé entre ombre et lumière, dureté et douceur, Slægt cultive l'ambivalence à l'image de cette prise de son très brute qui s'oppose à l'élégance racée d'une musique évolutive. Dans un style trop cru pour les amateurs de mélodies, trop délicat pour les ayatollahs du black metal, les Danois n'en poursuivent pas moins leur glissement vers un art toujours aussi bizarre et d'une flamboyance râpeuse. (22.05.2022 | MW) ⍖⍖

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