Si aujourd’hui le metal gothique se réduit bien (trop) souvent à une jolie pépée dont le chant d’opérette copule avec quelques grognements d’ours mal sentis, on oublie qu’à l’origine ce genre, dans la première moitié des années 90, avait alors parfaitement sa place au sein de la chapelle extrême. Œuvre référentielle, Le Gothic de Paradise Lost est le disque qui va donner le signal à un grand nombre de formations qui vont dès lors s’engouffrer dans la brèche que viennent d’ouvrir les Anglais, d’autant plus ce ceux-ci ne chercheront pas à la creuser davantage. Installé aux Pays Bas, Maleficium fait partie de ces groupes qui vont tenter l’aventure, au même titre que Orphanage (dont il est assez proche) ou Theatre Of Tragedy, par exemple. Sauf que son statut de précurseur ne l’a pas empêché de sombrer dans les oubliettes. Pourtant, This Illusion Of Humanity est un chef-d’œuvre méconnu qui démontre que les Hollandais ont su admirablement s’approprier la recette concocté par Paradise Lost. Le sextet forge de longs morceaux dont les racines s’enfoncent à la fois dans un terreau Death Metal et dans la pierre (tombale) du Doom pour leur rythme pachydermique. Ils possèdent cette rudesse granitique qui naît de la collusion de ces deux courants.
Ici le chant féminin n’est encore là que pour souligner les vociférations d’outre-tombe qui forment la locomotive de l’ensemble et non l’inverse ; les interventions, toujours parcimonieuses, d’Angelique Overbeek, confèrent aux titres qu’elles illuminent (le magnifique « Downfall », « Hydrogen »), une part de poésie, de sensibilité. Mais sinon, Maleficium a donc plus sa place dans le Death metal que dans le courant gothic tel qu’il est conçu aujourd’hui. « The Family Game », quand bien même il est parasité par des détails plus mélodiques qu’à l’accoutumé (intro acoustique, synthé), témoigne de cette filiation. Rapide, technique, complexe, dense, fissuré de cassures rythmiques, ce morceau évoque le meilleur de Pestilence mâtiné d’une louche de Bolt Thrower et d’Asphyx. Mais alors, pourquoi ce groupe si talentueux n’a pas eu le succès qu’il méritait pourtant ? Trop mélodique pour les amateurs de pur metal extrême mais trop brutal pour ceux qui aiment les mélopées féminines, gentiment assombries par quelques vomis de gargouilles, Maleficium, au lieu de rassembler ces deux publics, n’en a séduit aucun des deux. Trop aventureux – il n’hésite pas le temps d’un épilogue de toute beauté à recourir à un saxophone -, trop avance sur son temps, le groupe reste un ovni à redécouvrir. (22.10.2007) ⍖⍖⍖
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