Le précieux Svart Records continue de tamiser la riche terre des milles lacs pour y dénicher quelques uns des plus excitants groupes de rock progressifs actuels. Getšemane est sa nouvelle découverte. En vérité, ce groupe n'est pas totalement inconnu puisqu'il a à son actif un premier jet éponyme. Mais édité il y a déjà sept ans de manière plutôt confidentielle, cet album prometteur a été oublié depuis et ses auteurs également. Gageons que l'appui de l'écurie finlandaise associé à ce Viimaa qui fait mieux que transformer l'essai devraient enfin permettre à ces sympathiques musiciens de Tampere d'accéder à l'étage du dessus en terme de notoriété. On peut donc parler de nouveau départ pour le quartet. Ceux qui croiseront son chemin pour la première fois ne sauraient d'ailleurs trouver plus belle porte d'entrée à son univers que cette cuvée automnale dans laquelle macèrent hard rock (un peu), progressif (beaucoup) et jazz (surtout). Car Getšemane distille ces effluves nocturnes comme échappées de quelque club obscur et enfumé qui le distingue très nettement des autres formations de rock prog du cru. Le saxophone, déglingué et charnel ('Varma Kuolema'), occupe une place déterminante dans sa musique, sombre et lascive, à laquelle il imprime tout autant son charme crépusculaire que sa sourde mélancolie ('Kuilun Partaalla').
A l'image de sa pochette où l'on devine le corps d'une femme étendue, il y a quelque chose de sexy dans ce disque, mais c'est une sensualité un peu trouble, presque vicieuse. Généralement relégué au second plan, le chant en finnois répand cette poésie fleurie typique de cette langue mais il peut jamais tout à fait résister à la beauté impudique mêlée d'une noirceur tordue que déverse ce saxo qui remplit cette intimité nocturne ('Raskaan Sarjan Viheltaja'). Certes omniprésent et véritable clé de voûte de l'édifice, le cuivre n'est pas le seul à façonner ce bastringue instrumental. Moins volubile, la guitare dresse cette dureté propre au hard rock embryonnaire, les claviers diffusent des notes veloutées tandis que la basse claque avec gourmandise. (Trop) court, l'album épouse une courbe paroxysmique dans les émotions qu'il tricote, furieusement énergique dans sa première partie, plus noctambule et emprunt d'une souterraine amertume lors d'un second pan aux allures de point G, à l'instar de ce ''Kuilun Partaalla' décidément gigantesque qui additionné au bouleversant 'Lemminkäisen Temppeli' achèvent le voyage en une déchirante éruption de puissance et de noire suavité. Avec ce Viimaa plus jazz que progressif, Getšemane signe un album éblouissant, sombre et sensuel qui, on l'espère, lui permettra de lancer sa carrière une bonne fois pour toute. (04.12.2022) ⍖⍖⍖
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire