Malgré une bonne douzaine d'années au compteur et trois albums studio (sans compter quelques miettes), Void Moon végète toujours dans l'ornière de la seconde division. Il est pourtant le solide artisan suédois d'un doom dans sa définition la plus noble, par ailleurs animé par deux mercenaires de la cause métallique, le bassiste Peter Svensson et le batteur Marcus Rosenqvist, compères au sein d'une multitude de petites formations (Battle Axxis, Anchorite, Amaurot...). Sans doute manque-t-il au groupe cet éclat dans l'écriture qui distingue les premiers de cordée du tout-venant. L'ambition ne fait pourtant pas défaut aux Suédois comme en témoigne Waste Of Mind. Pour succéder à The Autumn Throne (2020), ils n'ont ainsi pas choisi la facilité en accouchant d'un EP qu'une seule piste de vingt minutes remplit. Exercice difficile car Void Moon n'est pas coutumier de ces pièces à rallonge même si un titre tel que 'Rivers Of The Moon' (sur Deathwatch) révélait que le format épique ne l'effraie pas. Difficile enfin parce que proposer un album (même mini) composé d'un unique morceau impose que celui-ci soit d'excellente qualité. Ce qui est le cas. Morceau-fleuve, 'Waste Of Mind' a pour objet l'histoire d'une personne qui apprend qu'elle est atteinte d'une tumeur au cerveau. Face à la maladie, elle doit choisir entre une opération qui réduira ses capacités mentales ou bien continuer à vivre normalement mais pour le peu de temps qui lui reste. Ce dilemme l'incite à consigner dans un livre sa vie et ce qu'elle était.
Ce récit bouleversant dicte une lente reptation minée par une absolue inexorabilité, tour à tour ultra plombée ou plus tumultueuse et à laquelle se greffent les soli déchirants ou plus heavy décochées par les invités Kjetill Lynghaug (Paganizer), Martin Jepsen Andersen et Hakan Stuvemark (Wombbath). Mais c'est surtout le chant poignant de Marcus qui pousse cette longue composition vers des sommets, puits de lumière et d'une tristesse résignée. Tenant le micro depuis le EP Ars Moriendi (2018), le cogneur ne cesse de nous enchanter avec sa voix puissante et limpide dont la tessiture désespérée n'est parfois pas sans évoquer le Fish des premiers Marillion. Narrateur de ce drame émouvant, ses vocalises haut perchées mais toujours émotionnelles ne sont donc pas étrangères aux couleurs très progressives de ce tableau de maître auxquelles participent également sa durée tentaculaire et la multitude d'ambiances et de ramifications qui le traversent. Sa performance éblouissante confirme combien Void Moon a eu raison de lui confier le rôle tenu à l'origine par Jonas Gustvasson. Il trouve dans cette pièce d'orfèvre l'écrin idéal pour exprimer l'étendu d'un talent dont, honnêtement, on ne le croyait pas capable. Pas plus qu'on imaginait le groupe apte à enfanter un tel bijou d'écriture et de progression, épaulé de façon significative, il est vrai, par les trois guitaristes venus prêter main forte au duo. Avec cette composition robuste et tragique, les Suédois se révèlent, faisant montre d'une inspiration inédite. Waste Of Mind augure d'une suite de carrière qui devrait atteindre une autre dimension et qu'on suivra avec attention accrue. (le 10 novembre 2022) ⍖⍖⍖
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire