Bien que cochant toutes les cases à la mode, entité solitaire et féminine égrenant un blackgaze hivernal, Sylvaine a très vite démontré qu'il fallait pourtant la prendre au sérieux, artiste complète pour qui la musique revêt une évidente dimension cathartique. Depuis Wistful première offrande grâce à laquelle nous l'avons découverte il y a six ans, la Norvégienne n'a pas chômé, traçant de nouvelles échappées à un rythme régulier. "Nova" est son quatrième album. Venu l'épauler derrière les fûts - seul instrument dont la belle ne se charge pas - sur le premier opus, Neige (Alcest) ne participe plus à l'aventure mais son ombre plane toujours, recouvrant le successeur de Time Wihout End de son influence tutélaire. De fait, en dépit de ce que paraît vouloir annoncer son titre, Nova ne voit pas Kathrine Shepard, avec laquelle le projet se confond, entamer sa mue, renouveler une signature qui demeure prisonnière d'une gangue froide et misérable néanmoins émouvante. La jeune femme continue ainsi d'épandre son spleen au travers de longues complaintes écartelées entre lumière fantomatique et noirceur crépusculaire, entre mélopées diaphanes et écorchés dramatiques. Mais la beauté est toujours au rendez-vous, intime et douloureuse. Plus que jamais, la plus française des Scandinaves se livre, se met à nu, à l'image de cette pochette qui la représente dans toute sa nudité virginale, dans une position fœtale suggérant une (re)naissance - ou un besoin de se protéger.
Par conséquent, Nova se réfère non pas à un changement de style mais à une transformation personnelle qui commande une expression plus introspective encore. Plus désespérée également. Le fait que l'œuvre s'ouvre sur ce morceau-titre esseulé, squelettique, qui ne résonne que de la seule voix (ou presque) de la maîtresse des lieux, augure ainsi d'une création fragile, d'un périple intérieur aux allures de catharsis. Un voyage qui ne peut être que tourmenté, affrontant orages et malheurs, haine et regrets mais aussi la joie ou l'espoir, même fugaces. Ce que laisse deviner un 'Mono No Aware' que la blonde tour à tour noircit ou délave avec son chant écartelé entre clarté spectrale et obscurité minérale. Mais à l'exception de cette plainte et de 'Fortapt' que déchire aussi cette ambivalence, cet affrontement intime, "Nova" baigne dans une délicatesse ouatée, trempe dans une amertume brumeuse, témoin ce 'Nowhere, Still Somewhere' qui a quelque chose d'une dérive dans les limbes qu'égrènent vocalises éthérées et guitare pointilliste. 'I Close My Eyes So I Can See' doit attendre sa dernière partie pour finalement exploser en un geyser colérique cependant que le terminal 'Everything Must Come To An End' vibre d'un éclat symphonique, doux et néanmoins ourlé d'une funèbre tristesse. Plus posé que ses aînés, ce qui rend ses effusions de rage plus bouleversantes encore, Nova est un refuge, sensible et glacial, aérien et nocturne, reflet des tourments et des désillusions de sa créatrice. (25.04.2022 | MW) ⍖⍖⍖
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire