6 mars 2023

KröniK | Shape Of Despair - Return To The Void (2022)




Si son rythme de travail est aussi lent que sa musique, laissant filer de (trop) nombreuses années entre chacune de ses offrandes, Shape Of Despair offre pourtant déjà un successeur à Monotony Fields. Déjà ? Sept ans, c'est évidemment très long entre deux albums mais pas pour les Finlandais auxquels une bonne dizaine d'années furent nécessaires pour compléter leur maigre discographie en 2015 d'un tardif troisième opus après un Illusion's Play (2004) qui a longtemps paru incarner la pierre tombale de ses auteurs. Glissant album après album vers un art moins suicidaire, allant jusqu’à décevoir avec leur dernière production de nombreux fans de la première heure, nous restions figés dans nos souvenirs de l'originel Shades Of..., paru il y a vingt-deux ans, dont la dépression inégalable continue de nous hanter. Par son titre, Return To The Void annonce d'emblée un retour vers le pur funeral doom des origines. Et si la mélancolie glaciale et nocturne de Shades Of... reste définitivement révolue, ne serait-ce que parce que Jarno Salomaa et sa troupe ne sont plus ceux qu'ils étaient il y a vingt ans, force est de reconnaître que ce cinquième poème doloriste renoue d'une certaine manière avec la grâce brumeuse de Angels Of Distress sans toutefois renoncer à cette pâleur romantique qui drape tel un suaire le doom tissé par les Finlandais depuis Illusion's Play

La beauté émotionnelle doit évidemment beaucoup aux mélopées spectrales de Natalie Koskinen dont l'importance au sein de cet édifice embruiné n'a jamais été aussi prégnante, à l'image du morceau-titre ou de 'Dissolution' qu'elle nimbe d'une fragilité vaporeuse et d'un espoir timide. Mais le massif 'Solitary Downfall' nous rappelle que Shape Of Despair demeure le maître incontesté de ces processions funéraires, immobiles et (a)battues par une inexorable contrition. Les guitares y tissent une toile dont chaque fil est une absolue note de tristesse tandis que les multiples lignes vocales, claires et lointaines, se diluent dans cet épais brouillard. Alors que 'Reflection In Slow Time' illustre la puissance abyssale de Henri Koivula, dont le chant a quelque chose d'une foreuse s'enfonçant dans de vertigineuses fosses marines, 'Forfeit' trouve l'équilibre parfait entre torpeur charbonneuse et majesté quasi élégiaque, syncrétisme poignant vers lequel les Finlandais tendent avec Return To The Void, œuvre qui à la fois s'enracine dans le substrat cotonneux et tellurique des débuts mais pousse aussi une porte vers un territoire plus atmosphérique, moins lugubre et plus émotionnel. En cela, ce cinquième album cultive une troublante ambivalence, creusée dans le pur funeral doom et pourtant introspectif, fouillant l'intime et sondant l'âme qu'il retourne avec une délicatesse qui confine à l'irréel. (26.04.2022 | MW) ⍖⍖⍖

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