10 mars 2023

KröniK | Gargantuan Blade - S/T (2022)




Une question pour commencer : que reste-t-il aujourd'hui du true doom finlandais ? Plus grand chose malheureusement. Reverend Bizarre n'existe plus depuis longtemps et n'a jamais été remplacé. Spiritus Mortis vient certes d'enfanter The Great Seal mais il produit des albums quand il y pense, Lord Vicar ne se montre guère plus fertile et Minotauri n'est plus de ce monde non plus. L'ex Reverend Bizarre Albert Witchfynder a bien monté Friends Of Hell avec lequel il vient de publier son galop d'essai mais il est encore trop tôt pour savoir si ce (super) groupe durera dans le temps. Et du côté des petits, la situation n'est pas moins morose. The Wandering Midget s'est sabordé il y a deux ans tandis que Serpent Warning suit ses aînés en terme de productivité en berne. Alors quand surgit un nouveau prêtre de cette sainte chapelle, on se jette dessus comme un curé sur le vin de messe. Gargantuan Blade est le nom de ce rejeton que nous n'attentions pas (ou plus). Dès son hostie éponyme et séminale glissée dans la bouche, l'impression de retrouver un vieil ami s'impose d'emblée tant cette voix puissamment solennelle ne nous est pas étrangère. Et pour cause puisque cet organe appartient à Samuel Wormius, ancien chanteur de The Wandering Midget et de Serpent Warning (le doom est une petite famille) ainsi que disciple spirituel parmi les plus doués d'Albert Witchfynder justement. Quel plaisir de le retrouver dans ce registre épique et sentencieux qu'il n'avait plus réellement honoré depuis 2017 et les maigres splits que TWM a successivement partagé avec Hands Of Orlac puis Garden Of Worm ! Quel plaisir surtout de pouvoir savourer enfin une nouvelle ode à la gloire de ce doom finlandais unique dont Gargantuan Blade livre une lecture d'une réjouissante pureté. Bien sûr, ce premier album noue des liens évidents avec les précédents groupes de Wormius, tant pour ce chant émotionnellement très marqué que pour cette allégeance à une forme du genre très authentique, dégraissée de kystes extérieurs. 

Pourtant, s'il se veut l'album que nous attendions depuis From The Meadows Of Opium Dreams (2012) et Serpent Warning (2014), derniers véritables opus que le chanteur a gravés avec ses anciens ports d'attache, ce premier signe de vie de Gargantuan Blade possède une identité qui lui est propre, plus heavy sans doute quoique tout aussi plombée. Baignant dans un climat occulte biberonné aux séries B horrifiques des années 60 (dont l'inévitable Grand inquisiteur Michael Reeves avec Vincent Price), ces quatre psaumes envoûtent autant qu'ils impriment une morsure pesamment sombre. Leur durée conséquente (entre six et douze minutes en moyenne) leur permet d'étirer tranquillement leurs tentacules épaisses.  Mais si les guitares ont quelque chose d'excavatrices funestes, forant les entrailles de la terre de galeries peuplées de silhouettes menaçantes, de brutales et jouissives accélérations viennent rompre cette monotonie tellurique à l'instar d'un 'Necromancer's Blood' qui s'échappe en fin de parcours vers un rivage plus énergique que doloriste. Mais il y a toujours cette voix hiératique et néanmoins expressive, vigie qui emporte tout et surligne la noirceur pachydermique d'un ensemble qu'elle ceint aussi d'une puissance majestueuse ('Black Lotus'). Clé de voûte d'un édifice dont elles justifient à elle seule la visite, ces lignes vocales ne laissent finalement que peu d'espace aux autres instruments même s’il convient de saluer le solo de guitare qui zèbre 'Dungeon Lord' et plus encore les riffs obsédant de tristesse qui bétonnent le terminal 'Spectral Pillagers'. Héritier de The Wandering Midget, Gargantuan Blade mérite mieux pour son premier album qu’une diffusion uniquement digitale en auto-production. Gageons que fort d’un potentiel déjà énorme, les Finlandais devraient rapidement trouver un label pour exposer à un public plus large cette bonne parole prêchée avec authenticité et fidélité au dogme d’un doom éternel. (le 9 novembre 2022) ⍖⍖⍖

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