On l'oublie un peu mais le Québec n'est pas qu'une terre fertile en black metal, le doom y a également essaimé. Cauchemar se présente non seulement comme l'un des plus fameux prêtes de cette chapelle doloriste dressée dans cette froide contrée mais aussi - et surtout - comme l'architecte parmi les plus influents d'un heavy metal traditionnel serti de plomb et sanglé de chant féminin qu'aliment également Chevalier ou Meurtrières . Pour autant, d'aucuns estiment que le succès des Québécois s'avère injustifié sinon très exagéré. Que leur est-il reproché ? A la fois une croûte sonore desséchée, rêche comme de vieilles fringues et les incantations débitées par Annick Giroux, aussi mystiques que parfois agaçantes pour ne pas dire désagréables aux oreilles de certains. Mais le groupe ne serait justement pas ce qu'il est sans ces deux traits intrinsèquement attachés à son identité musicale qui ne laisse personne indifférent. Et après une abstinence longue de six années qui n'augurait rien de bon, nombreux sont aussi ceux qui guettaient son retour. Rosa Mystica scelle enfin celui-ci. Temple Of Mystery Records publie ce troisième album, propre label des membres de Cauchemar, lesquels ont eu le bon goût, entre autres, de rééditer par son entremise, les hosties de Pagan Altar, figure fondatrice du doom metal que le bassiste Andres Arango accompagne d'ailleurs sur scène et à la guitare depuis 2017.
Ce lien noué avec les Anglais n'est pas anodin car nous sommes toujours bien obligés de penser à eux en écoutant le quatuor canadien. Les lignes tissées par la six-cordes de François Patry ainsi que les ambiances empreintes d'un mysticisme ténébreux illustrent ce patronage. Mais évidemment, il y a le chant de la jeune femme, autant capable de séduire que de rebuter, qui fait toute la différence avec le dinosaure britannique. Force est pourtant de lui allouer un charme sentencieux auquel participe la poésie répandue par la langue de Molière et qui, dès l'entame 'Jour de colère' ensorcelle le pèlerin. Immuable, la patte des Canadiens demeure reconnaissable entre mille. Les chansons, trapues pour la plupart, arbore une simplicité rugueuse, le tempo se veut parfois soutenu ('Rouge sang', 'Le tombeau de l'aube'), le plus souvent cloué dans la terre à l'image du très beau 'Notre-Dame-sous-terre'. Quoique toujours nimbé d'un suaire médiéval ('La sorcière'), le heavy doom édifié par le groupe se pare à la fois d'une atmosphère rurale tout en insistant plus encore sur ses atours les plus brumeux que soulignent des claviers sinistres et liturgiques. Le sabbathien 'Rosa Mystica' en témoigne par exemple. D'une épure artisanale, cette offrande accroche la mémoire par l'efficacité de ses mélodies sombres et crépitantes ('Danger de nuit') sans oublier l'apport controversé de cette chanteuse à l’organe cérémonieux voire possédé à laquelle l’obole doit quand même une bonne part de son magnétisme obscur et poétique. De fait, Rosa Mystica ne changera pas le regard que portent sur ses géniteurs, aussi bien leurs détracteurs que leurs fidèles, envoûtés par cette rusticité accouplée à des ambiances souterraines et mystérieuses. (06.05.2022 | LHN) ⍖⍖
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