Deux après son premier film, Pas de larmes pour Joy, Ken Loach signe Kes, une œuvre empreinte d'un réalisme poétique. Avec un grand sens de l'épure et dans un style hérité du documentaire mais extrêmement travaillé, sa caméra suit la vie d'un jeune garçon dont l'horizon se limite au bassin minier autour duquel la ville s'est développée. Fasciné par les oiseaux, il trouve au faucon crécelle qu'il entreprend de dresser. Prisonnier d'une vie sordide, coincé entre une mère démissionnaire et un grand frère brutal, il trouve dans cet animal un moyen de s'échapper et d'exister. Réalisateur militant, Koach dépeint sans fard ni misérabilisme cette enfance sacrifiée, déjà perdue, subissant brimades et humiliations corporelles. A la cruauté doublée de bêtise du monde scolaire où un prof de sport contraint un gamin à prendre d'une douche glacée pendant de longues minutes en guise de représailles, le cinéaste oppose les séances de dressage du faucon au milieu d'un cadre verdoyant, comme une poche bucolique trouée dans un ensemble austère et grisâtre.
Il brosse ce faisant le portrait d'un enfant solitaire, cancre et mutique dont les camarades découvriront avec un mélange d'étonnement et de curiosité, la personnalité lors d'une très belle scène où il raconte à la classe comment il a réussi à apprivoiser un oiseau. La mort du rapace, tué par le grand frère pour se venger, solde le peu de joie que Billy éprouvait. Avec la dépouille du petit animal, il enterre l'espoir d'une vie à laquelle Kes donnait du sens. Difficile de ne pas s'attacher à ce gamin sentimentalement délaissé, socialement abandonné, écrasé par une existence sinistre et ne pas ressentir de la tristesse lorsqu'il découvre le corps de son oiseau et seul ami. Et comment oublier ce plan qui montre le jeune Billy en train de lire une bande dessinée, assis dans l'herbe d'une colline surplombant une usine de charbon avalée par la fumée, où réalisme et poésie se rejoignent... (vu le 14.01.2022) ⍖⍖⍖
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