Le problème de l'alcoolisme n'a que rarement été traité de façon convaincante au cinéma, sombrant souvent dans le sordide de bas étage. Toutefois, deux films sortent réellement du lot, ce sont Le poison (1945) de Billy Wilder et Le jour du vin et des roses. Secondé par quelques uns de ses fidèles collaborateurs (Philip Lathrop, Henri Mancini), Blake Edwards, alors surtout réputé pour ses comédies (Opérations jupons), prouve à nouveau après Allô brigade spéciale (1962) sa maîtrise de tous les genres cinématographiques. Même si l'humour n'en est pas absent, Le jour du vin et des roses s'avère une œuvre particulièrement noire, traversée par des moments déchirants, d'une intensité dramatique hallucinante. On pense bien sûr à cette scène terrible et douloureuse située dans la serre où Jack Lemmon, ne parvenant pas à mettre la main sur la bouteille qu'il a cachée dans un pot, devient hystérique. C'est d'ailleurs grâce à ce dernier que le film a pu voir le jour. En effet, l'acteur était désireux de montrer l'étendue de son talent. Il fit donc appel à Blake Edwards (qu'il retrouvera pour La grande course autour du monde et plus tard pour That's Life), pour adapter une dramatique télé réalisée auparavant par John Frankenheimer. Jack Lemmon décroche ainsi une de ses meilleures performances. Tour à tour drôle, touchant ou pathétique, il se montre aussi à l'aise en faisant le clown que prisonnier d'une camisole enfermé dans la cellule capitonnée d'un hôpital. Son jeu est sobre, toujours juste, jamais appuyé et ce, malgré les tentations que ce type de rôle peut offrir.
Cette justesse de ton se retrouve par exemple lorsqu'il doit de présenter devant les Alcooliques anonymes. Lee Remick qui, après le polar avec Glenn Ford, croise à nouveau Blake Edwards, lui tient la dragée haute tant elle rend bien compte de la transformation de son personnage, passant de la jeune femme habituée à la menthe à l'eau à une alcoolique finie. De plus, avec un sens de l'ellipse admirable et au gré de transitions toujours inventives, le film repose sur un récit savamment élaboré, à la construction rigoureuse. Le scénario débute un peu à la façon d'une comédie romantique avec la rencontre des deux principaux protagonistes. Puis, petit à petit, le blanc cède la place au gris pour finalement atteindre parfois le noir le plus absolu. Blake Edwards illustre avec réalisme et pudeur la déchéance de ce couple tragique. Quand bien même il est parcouru de salutaires éclairs de bonheur et de joie, sans lesquels, il n'eût été que noirceur, le film trace une véritable descente aux enfers. La fin est très belle. Ainsi, intelligemment, Le jour du vin et des roses ne s'achève pas une happy end. Si Joe parvient à échapper aux ténèbres embrumées de l'alcool, Kirsten, quant à elle, ne peut résister à l'appel de la boisson. Et malgré tout l'amour qu'il a pour sa femme, il refuse de vivre à nouveau avec elle par peur de rechuter et de s'autodétruire. Dans le dernier plan, les lettres du mot bar qui se détache de la façade d'un immeuble voisin nous font comprendre que la jeune femme est perdue... (vu le 16.01.2022) ⍖⍖⍖
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire