28 mars 2023

CinéZone | André Cayatte - Piège pour cendrillon (1965)




De tous les films d'André Cayatte, Piège pour Cendrillon demeure un des plus méconnus. Insatisfait de l'adaptation de son roman, Sébastien Japrisot en a freiné l'exploitation au point de le rendre quasiment invisible. Il est vrai que la richesse de son livre, par ailleurs difficilement transposable sur écran, se voit fortement diluée par un scénario pourtant écrit à quatre mains par Cayatte lui-même et, excusez du peu, Jean Anouilh. Nous sommes au milieu des années 60 et le cinéaste, fossilisé par la Nouvelle Vague, cherche à évoluer, à explorer, ce qui le conduit à adapter ce bouquin où une femme amnésique, en quête de vérité, passe tour à tour du rôle d'enquêteur à celui de victime, de témoin à assassin. Proche de l'univers pesant et parfois sordide de Henri-Georges Clouzot (Les diaboliques), son film évoque bien entendu le Sueurs froides d'Alfred Hitchcock cependant que sa trame éclatée en de multiples flashbacks selon les différents points de vue de son héroïne à l'identité hésitante, renvoie à une tradition noire plus américaine que française. 

S'il s'égare dans les méandres de son matériau, usant de faux-semblants, Cayatte peut toutefois compter sur le travail plastique oppressant qui conjugue les talents du directeur de la photographie Armand Thirard et du décorateur Robert Clavel ainsi que sur l'interprétation rare et étonnante de Danny Carrel dans un triple rôle qui exsude une sensualité trouble et charnelle. A l'image d'un film suintant tout du long une homosexualité féminine à peine camouflée, entre les deux cousines et plus encore entre ces dernières et la gouvernante que campe de manière toxique et tout aussi surprenante, Madeleine Robinson (qui retrouve d'ailleurs son ancien mari, Robert Dalban). Dans des rôles très éloignés de leur registre respectif habituel, les deux actrices distillent une présence aussi écrasante que tourmentée. Certes inabouti, Piège pour Cendrillon a l'intelligence de laisser planer le doute quant à l'identité de l'amnésique dont le suicide final n'est pas sans ruisseler un désespoir profond et bouleversant... A (re)découvrir donc ! (vu le 15.01.2022) ⍖⍖




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