8 février 2023

KröniK | Seremonia - Neonlusifer (2022)




Alors que depuis ses débuts, il s'était montré particulièrement fécond, usinant quatre albums en cinq ans, Seremonia s'est ensuite muré dans un silence qui ne lui ressemblait pas. Faisant partie des groupes les plus talentueux du revival seventies, mêlant doom obscur et folk boisé, les Finlandais étaient donc fortement attendus. Presque six ans après Pahuuden Äänet, ils se sont quand même enfin décidés à graver une cinquième offrande. Publié comme ses aînés par l'indispensable Svart Records, Neonlusifer se dévoile tout d'abord par l'entremise d'un visuel étrange et d'un titre à l'arôme occulte, deux indices d'un contenu qu'on devine toujours aussi bizarre et pour le moins personnel. Fort d'une identité qui n'appartient qu'à lui, Seremonia n'a donc pas usé de ces années d'abstinence discographique pour modifier sa recette. Au sein du format trapu habituel s'enchaînent ainsi huit complaintes nimbées de ce psychédélisme forestier auquel ses géniteurs demeurent associés. Ecoulant une espèce de poésie chamanique, Noora Federley dispense sa présence hantée reconnaissable entre mille alors que ses compagnons tissent la toile à la fois pesante et progressive d'une procession nocturne et néanmoins colorée. Les fidèles ne seront donc pas dépaysés. Mais ne seront-ils pas toutefois déçus par une empreinte aussi sonore que sensitive dont le charme mystérieux semble s'être quelque peu évaporé ? 

De fait, Neonlusifer peine à s'imprimer durablement dans la mémoire. Ses saillies se succèdent, souvent remuantes ('Naamiot'), toujours porteuses dans leur chair de cette singularité à laquelle participent autant le recours à la langue finlandaise qu'à cet enracinement dans un humus brumeux et bucolique mais souffrent d'un charme en jachère. Leur minimalisme et leur énergie rêche, presque punk par moments ('Kaivon Pohjalla'), n'aident pas à les rendre chaleureuses. Et il faut attendre de le voir ralentir le tempo, étirer des ambiances fantomatiques dans un canevas plus bourgeonnant pour que ce cinquième album déclare une beauté aussi hypnotique que souterraine. Oscillant entre sept et neuf minutes environ, 'Raskasta Vettä' et 'Maailmanlopun Aamuna' offrent au groupe les rares occasions de creuser ce sillon progressif mâtiné de psychédélisme noir qu'inoculent guitares rouillées, Mellotron blafard et flûte champêtre aux accents crimsoniens (époque "Lizard"), sans pour autant déserter cette étrangeté biscornue, cette manière de ne jamais vraiment filer droit. Il en résulte un disque finalement moins accessible, sans doute moins immédiat que ses prédécesseurs et qui du coup nécessite nombre d'écoutes pour en déflorer la sève obscure nichée dans une intimité plus bizarre encore. Sans se départir de son style inimitable, Seremonia cultive plus que jamais ses traits les plus sombres et abrupts, comme s'il cherchait à dissoudre le charme et la beauté de son doom prog antédiluvien dans un baquet d'acide, au risque de décevoir légèrement... Mais les Finlandais n'en restent pas moins cette entité curieuse venue du froid et de forêts enfumées. (09.04.2022 | MW) ⍖⍖

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