23 février 2023

CinéZone | Robert Stevenson - La femme déshonorée (1947)




Comme nous avons déjà eu l'occasion de l'affirmer à l'occasion de la sortie de L'évadé de l'enfer (Archie Mayo - 1946) ou des Mains de l'étranger (Newt Arnold - 1962), la collection "classiques" d'Artus Films n'est pas la plus jubilatoire de ce précieux éditeur. Cependant, elle a au moins le mérite d'exhumer, non pas des classiques mais de vieilles pellicules oubliées qu'il est toujours agréable de déflorer même dans une copie moyenne, ce que ne manquent pas de reprocher certains puristes maniaques de l'image et du son parfaits. Le plus important n'est-il pas de donner une nouvelle vie à ces films, dans des éditions certes perfectibles plutôt que de les laisser disparaitre dans l'oubli auquel leur réputation modeste les condamne ? En cette fin d'année 2021, Artus enrichit ainsi son catalogue de La femme déshonorée. Celui-ci se veut davantage un film de Hedy Lamarr que de Robert Stevenson, dont sa collaboration avec le studio Disney (Mary Poppins, L'espion aux pattes de velours) fait oublier son très beau Jane Eyre (1944). Après l'inoffensif La princesse et le groom (1945) de Richard Thorpe qui met un terme de manière décevante à son contrat avec la M.G.M., la comédienne se lance dans la production, choisissant des sujets taillés pour elle, comme cela fut d'abord le cas du Démon de la chair (1946) de Edgar G. Ulmer, auquel succède donc ce Dishonored Lady dont le personnage principal, femme immigrée d'Europe de L'est, indépendante et séductrice, lui ressemble beaucoup. 

S'il possède moins de force que The Strange Woman, ce film fournit toutefois un beau travail plastique et des plans parfaitement découpés, surtout dans sa seconde partie (cf. la scène où David découvre la double vie de Madeleine). Les aplats profonds du noir et blanc épouse le drame qui peu à peu se met fatalement en place. Déportée dans l'appartement de Greenwish Village, l'histoire gagne de fait en intérêt, soutenue par un solide Dennis O'Keefe (Marché de brutes d'Anthony Mann) avant de basculer dans l'intrigue avec procès et faux-coupable. D'aucuns jugeront ce scénario réactionnaire car plus que de meurtre, Madeleine est accusée d'immoralité. Femme libre, elle s'oppose au puritanisme d'une société encore corsetée par les valeurs traditionnelles. Son indépendance doublée d'une vie sentimentale chaotique, est perçue comme une forme de maladie qu'il convient de soigner. C'est en renonçant à cette liberté et s'effacer derrière l'homme qu'elle aime, qu'elle connaîtra enfin le bonheur et sera acceptée par la société. Mais outre le fait qu'il faut cesser de juger les films (ou les livres et évènements) passés avec notre regard présent, La femme déshonorée offre néanmoins à Hedy Lamarr au sommet de son irradiante et glaciale beauté, un beau rôle de femme en butte contre les préjugés moraux et dont l'évidente gourmandise sexuelle est à peine à voilée. Trop timidement pour le spectateur d'aujourd'hui mais audacieux en 1947. Echec commercial, le film amorcera le déclin de l'actrice qui ne trouvera plus guère d'écrin à sa juste (dé)mesure, à l'exception de Samson et Dalila (1949) de Cecil B. DeMille... (vu le 28.12.2021) ⍖⍖


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