25 janvier 2023

KröniK | Celeste - Assassine(s) (2022)




De tous les groupes français œuvrant dans un style sévère et doloriste, Celeste n'est pas le plus exposé du lot. Pourtant, outre le fait qu'ils s'activent depuis près de dix-sept ans déjà, les Lyonnais ont très tôt suscité l'intérêt de labels étrangers. Depuis 2007 et pendant longtemps, ils sont demeurés fidèles au très respecté Denovali Records qui a édité tous leurs efforts, de l'originel Pessimiste(s) à Infidèle(s), gravé dix ans plus tard. Nous les avons ainsi suivis, témoins de la maturation de leur identité. Visuellement, celle-ci s'est rapidement fixée avec ces titres d'album dont le pluriel est entre parenthèses et ces figures de femmes, le plus souvent en noir et blanc. Musicalement, Celeste a su peu à peu façonner un art d'une puissance froide, austère et dramatique, noire et désolée, maraudant quelque part entre sludge, post hardcore et black metal. Comme d'autres évidemment mais non sans une touche plus personnelle qu'on ne le croit néanmoins. Après cinq années d'abstinence discographique, long silence auquel ils ne nous avaient pas habitués, les Français sont (enfin) de retour, désormais portés par la force de frappe de Nuclear Blast, preuve supplémentaire de l'aura dont le groupe jouit en dehors de nos frontières. Cette signature avec une écurie étiquetée "metal" n'en est pas moins surprenante et fera sans doute grincer des dents les puristes et fans de la première heure. La facture étonnamment accessible de ce sixième album longue durée semble d'ailleurs donner raison à ces grincheux. 

Jamais en effet, la musique enfantée par les Lyonnais n'a paru aussi aisée à pénétrer. Est-ce à dire que celle-ci a perdu de sa douleur, de son glacial désespoir ? Pas vraiment, mais elle a certainement gagné en beauté, en dimension tragique, ce dont témoigne par exemple 'Le Cœur Noir Charbon' qu'effleurent de discrètes caresses féminines tandis que des guitares ivres d'une tristesse stratosphérique l'irriguent d'un magma post metal sans pour autant suffire à en étouffer l'âpre noirceur incarnée par le chant écorché et rageur de Johan. De même, en guise d'amorce, 'Des Torrents de Coups' frappe par sa sève percutante et son élan émotionnel tissé par des six-cordes engourdies par une bouleversante amertume. Citons également l'instrumental, magnifique, positionné à mi-chemin, qui marque une respiration presque intimiste et pourtant pétrifiée, format que ses auteurs ont cependant toujours favorisé. Plus accessible donc, Assassine(s) n'en reste pas moins un disque rude dans sa noirceur charbonneuse, héritier naturel de ses prédécesseurs. Poissés par cette poésie nihiliste, embués par ce romantisme morbide, des uppercuts de l'acabit de 'Il a Tant Rêvé d'Elles' ou 'De tes Yeux Bleus Perlés' ne transpirent aucune lumière, aucun véritable espoir, cisaillés par une négativité terreuse. 'Draguée Tout au Fond' crache son dégoût en pleine face et même les déchirants frissons qui ourlent 'Nonchalance de Beauté' sont écrasés par une dureté de traits qui jamais ne s'estompe réellement.  Sans se renier, Celeste fait évoluer son art avec Assassine(s), très grand disque puissant et limpide dont la noirceur acharnée est dessinée avec une délicatesse rocailleuse. (02.04.2022 | MW) ⍖⍖⍖

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