Nombre de films de yakusas des années 60 sont inspirés par le polar européen et français plus particulièrement, comme en témoigne A Colt I My Passport que réalise Takashi Nomura en 1967. La figure du tueur hiératique, le noir et blanc profond et des plans empreints d'une poésie mélancolique concourent à le rapprocher des œuvres de Jacques Becker, Henri Decoin et surtout de Jean-Pierre Melville. Une touche de films noirs américains, eux même matrice du style français et une musique échappée d'un western spaghetti de Sergio Leone complètent l'esthétisme tant sonore que visuel de cette excellente bobine japonaise dont la simplicité du récit touchant à l'épure se conjugue à une mise en scène constamment audacieuse où cadrages inventifs et plans séquences ciselés à la manière d'une orfèvrerie participent d'un langage fascinant.
Tout de noir vêtu, le geste précis, Joe Shishido (et ses fameuses joues de hamster) n'est pas non plus étranger au pouvoir de séduction dégagé par Koruto Wa Ore No Pasupoto ancré dans toute cette mythologie du film de Yakusas. Tueur professionnel, Shuji Kamimura exécute un chef yakuza pour le compte d'une famille rivale mais à l'issue de sa mission, se retrouve traqué par les deux clans, jusqu'à ce dénouement très westernien. Filmé en plan large, il affronte des gangsters au milieu d'une immensité caillouteuse. Seul et blessé, le tueur déchu use du flingue comme un personnage leonien avant de faire exploser la bagnole qui lui fonce dessus avec une ingéniosité gratuite mais au rendu tellement cinématographique ! Sans être un incontournable du genre, A Colt Is My Passport brille par sa réalisation extrêmement travaillée et son ambiance glacée finalement plus européenne que japonaise. (vu le 08.12.2021) ⍖⍖⍖
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