Il est fréquent de lire qu'à partir des années 50, Christian-Jaque a perdu tout talent, avis partagé par les tenants de la Nouvelle Vague qui n'aimaient rien moins que distribuer les bons et les mauvais points. Il est vrai que Le gentleman de Cocody (1964), Le Saint prend l'affût (1966), tous les deux avec Jean Marais ou Deux billets pour Mexico (1967) leur donnent raison, (tellement) loin des réussites que furent Les disparus de Saint-Agil (1938) ou L'assassinat du père Noël (1941). Pourtant, entre deux productions en costumes oubliables (Nana, Madame Sans-Gêne...), il emporte encore l'adhésion lorsqu'il noircit son propos. C'est le cas des Bonnes causes qu'il tire, comme souvent, d'un bouquin. Son auteur est Jean Laborde dont le cinéma s'emparera de nombreuses de fois d'une œuvre sombre et paranoïaque (Mort d'un pourri, Les assassins de l'ordre). Scénariste indispensable des années 30 à 50, Henri Jeanson cisèle des dialogues percutants, qui remplissent la bouche d'une distribution haut de gamme (nous y reviendrons). Malin, le canevas quitte rapidement le terrain du whodunit, puisque la culpabilité de Catherine Dupré nous est dévoilée au bout de quelques minutes, pour questionner sur la notion de justice et de morale.
Sachant son client coupable, l'avocat doit-il le défendre quitte à faire condamner un innocent ou doit-il faire triompher la vérité ? Cette réflexion est traitée de manière un peu grossière sinon caricaturale mais le rendu ne manque pas d'efficacité. S'il ne peut prétendre posséder la même force que le Témoin à charge de Billy Wilder auquel on pense parfois, Les bonne causes n'en tient pas moins en haleine durant presque deux heures. Ce qu'il doit avant tout, reconnaissons-le, à ses comédiens, théâtre de l'affrontement entre Bourvil et Pierre Brasseur, tous les deux dans des rôles taillés pour eux, le premier, solitaire et débordant d'humanité, le second, tout en panache et cynisme. Onctueuse, Marina Vlady exsude sa beauté vicieuse tandis que Virna Lisi se montre touchante dans la peau de cette infirmière désemparée que tout accuse. En filigrane, se dessine à travers ces personnages, le combat entre les notables (maître Cassidi, Catherine Dupré) et les humbles (le juge Albert Gauchet, Gina Bianchi l'immigrée). Avec La tulipe noire (1963) et Le repas des fauves (1964), Les bonnes causes peut être considéré comme le dernier film majeur de Christian-jaque.(vu le 04.12.2021) ⍖⍖⍖
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