17 janvier 2023

CinéZone | Alain Jessua - Armaguedon (1977)




Aux côtés d'oeuvres exigeantes (Le guépard, Le samouraï, Mr Klein..) ou de productions plus populaires (La tulipe noire, La piscine) et généralement riche en douilles (Borsalino, Le clan des Siciliens, Mort d'un pourri) qui ont fait sa gloire, la carrière d'Alain Delon est aussi émaillée de films plus bizarres qu'il a par ailleurs produits (Doucement les basses, Attention les enfants regardent). Sa collaboration aussi éphémère que jubilatoire avec Alain Jessua ne pouvait qu'alimenter cette appétence pour des sujets curieux et commercialement risqués. Après le suspense mâtiné de science-fiction de Traitement de choc (1973), les deux hommes se retrouvent une seconde et dernière fois à l'occasion de Armaguedon. Mais, éreinté par la critique, il se solde par un cuisant échec. Sur le papier, le film avait de quoi séduire, matière à un triller efficace. Un homme menace de commettre des attentats. Aidée par un psychiatre, la police le traque. Mais Alain Jessua n'est pas Henri Verneuil ni Jacques Deray. L'action l'attire moins que la dénonciation d'une société (déjà) aliénée. Prophétique, il témoigne du pouvoir fascinant de la télévision, instrument de communication de masse vénéneux. Producteur du film, Delon entre très vite en désaccord avec le réalisateur qui souhaite que son personnage se rapproche de plus en plus de celui de Louis Carrier, ce que l'acteur refuse, condamnant son rôle à stagner dans la simple observation. 

Face au terroriste flanqué de son sbire Albert  à la manière de George et Lennie dans le roman de Steinbeck, Des souris et des hommes, il y avait pourtant moyen de conférer plus de force à ce psychiatre qui, en l'état, manque d'épaisseur. De fait, la rencontre entre Delon et Jean Yanne ne tient pas ses promesses. Ce qui est d'autant plus dommage pour ce dernier qui livre une composition trouble et fiévreuse dans la peau de ce désaxé marginal et solitaire en butte contre une société qu'il vomit. Pathétique, il finit par susciter la sympathie voire la pitié notamment lorsque la bobine qu'il impose d'être diffusée durant une émission de télé déclenche la moquerie des spectateurs incapables de saisir le sens de son combat. Il en résulte un thriller à l'atmosphère étrange, certainement moins réussi que ce qu'il aurait pu être mais néanmoins détenteur de cette froideur austère et ce ton singulier propres à Jessua qui aime multiplier les détails insolites presque fétichistes comme ce couple accoutré d’une tenue de plongeur électrocuté en plein coït sous le regard voyeur de ses bourreaux. La présence de Michel Duchaussoy et de Renato Salvatori, fidèles du réalisateur pour le premier et de Delon pour le second, ajoute à l’intérêt de ce Armaguedon méconnu et donc à (re)découvrir sinon à réévaluer à sa juste valeur, pellicule qui ne ressemble à aucune autre et que teinte une sourde mélancolie. (vu le 09.12.2021) ⍖⍖⍖



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