20 décembre 2022

CinéZone | William Wellman - L'ennemi public (1931)




Ceux qui croient que tous les films des années 30 se réduisent à de vieilles reliques poussiéreuses seraient bien inspirés de jeter un oeil sur L'ennemi public qui devrait les surprendre par sa modernité et sa violence (relative). La première se manifeste tout d'abord par l'étonnante mobilité dont fait preuve la caméra de William Wellman loin du travail statique fourni encore par nombre de ses collègues qui, à l'aube des années 30, demeurent toujours prisonniers du carcan figé du cinéma muet (à quelques notables exceptions près, bien entendu). Travellings et plans audacieux (par exemple en contre-plongée sous les roues d'un camion) témoignent d'un langage cinématographique déjà affranchi des techniques ankylosées du passé.  Wellman fixe le style nerveux qui fera le succès de la Warner et jette en sus les bases du film de gangsters ancré dans l'Amérique de la prohibition marquée par la violence et le joug de criminels comme Al Capone auquel on pense et dont la légende veut que le premier rôle lui ait été offert contre la somme de 200 000$ ! Cette modernité se traduit également dans la prestation des comédiens libérés du corset théâtral de mise au temps du muet dont seules les comédiennes portent encore les stigmates, au premier rang desquelles, une Jean Harlow au jeu coincé peu convaincant. 

La violence quant à elle est incarnée par James Cagney dont L'ennemi public lance la carrière, imposant sa figure de cabochard teigneux, dynamo vivante qu'il déclinera et peaufinera tout au long d'une carrière jalonnée par de grands rôles de gangsters des Anges aux figures sales de Michael Curtiz (1938) à L'enfer est à lui de Raoul Walsh (1949). The Public Enemy trace son ascension de voyou brutal mais non dénué d'une part d'humanité (avec sa mère) qui tranche par rapport aux représentations soumises jusque là par Hollywood. L'oeuvre n'en conserve pas moins une certaine prudence, prenant soin en préambule de se désolidariser de son héros qu'elle fait mourir à la fin pour préserver la morale tandis que l'opposition entre le bien (le frère) et le mal (Tom Powers) tempère sa négativité. Le cheval abattu hors-champ, Cagney écrasant un demi pamplemousse sur le visage de Mae Clarke ou tombant en avant, mort et ficelé comme une momie sont autant de scènes frappantes qui on fait entrer L'ennemi public dans l'inconscient des cinéphiles... (vu le 24.11.2021) ⍖⍖⍖


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