7 novembre 2022

KröniK | Ghost Bath - Self Loather (2021)




En 2015, Ghost Bath entamait avec Moonlover une trilogie poursuivie deux ans plus tard par Starmourner et qu'achève aujourd'hui Self Loather, avec pour seul ciment l'auscultation cathartique de l'âme humaine, sa mélancolie, ses drames, ses joies parfois, sa quête d'absolu aussi. Vaste programme placé toutefois sous le sceau de l'obscurité. Si nous en savons désormais un peu plus sur ce groupe dont l'identité mystérieuse était savamment entretenue, sa musique, elle, ne cesse de nous surprendre, glissant entre les définitions, les catégories. Au départ, arrimés à la chapelle du black metal dépressif (qu'ils n'ont en vérité jamais désertée), les Américains ont cultivé avec le deuxième chapitre de leur triptyque une voie plus lumineuse, plus irradiante, les poussant plus franchement du côté d'un shoegaze alcestien. Quitte à décevoir ceux qui estiment que l'art noir doit demeurer cette expression négative et radicale, assurément sinistre et tragique à tout le moins. En cela, ce troisième et dernier volet de ce retable purgatif nous rassure, renouant avec une violence aussi dépressive que bouillonnante. Son titre, qui évoque l'aversion de soi-même jusqu'à la haine, augure de toutes façons d'une œuvre douloureuse, d'une création âpre, fourrageant les replis les plus vils et malsains de notre conscience. 

Ce thème commande un album à l'atmosphère glaciale et violente, comme en témoigne 'Convince Me To Bleed' lequel, positionné en début de parcours, annonce un menu couvert d'une dureté abrasive. Le chant hurle, les guitares labourent des tranchées dans la peau et la rythmique emporte tout à la manière d'une tempête émotionnelle. Mais Self Loather n'est pas que brutalité, il impressionne tout autant par la richesse de ses ambiances et par la foultitude de détails qui s'accrochent au chemin tortueux qu'il trace. 'Hide From The Sun' bétonne un tempo aussi lourd qu'hypnotique alors que 'Shrines Of Bone' se dresse dans la nuit avec toute sa force tempétueuse. La batterie de Jason Hirt bouffe tout l'espace, érigeant des falaises noires contre lesquelles se fracasse le ressac vénéneux de riffs tranchants gonflés d'une sève suicidaire. Mélancolie et désespoir inspirent cette fois-ci aux Américains des traits rarement sirupeux (à l'exception de 'For It Is A Veil' que tentent des atours mielleux), toujours graves, comme l'illustre avec douleur 'I Hope Death Finds Me Well', instrumental superbe égrené par un piano dramatique qui fait office de respiration, funeste toutefois, avant une conclusion sans espoir de retour ('Unbearable', Flickering Wicks Of Black'). Sans s'abîmer autant qu'on le souhaiterait dans une noirceur définitive et cafardeuse, Self Loather se présente comme l'écrin ciselé avec une précision rude et acérée d'un post black metal à la fois tourbillonnant et funèbre qui attire Ghost Bath au sommet de son art. (29.01.2022 | MW) ⍖⍖⍖

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