29 novembre 2022

CinéZone | John Huston - L'homme qui voulut être roi (1975)




L'aventure avec un grand A. La thématique de l'échec constitue l'ossature des meilleurs films de John Huston. Il suffit de songer au Trésor de la Sierra Madre (1948), à Quand la ville dort (1950), à Moby Dick (1956), à Fat City (1972) ou plus récemment à Au-dessous du volcan (1984) pour s'en convaincre. L'homme qui voulut être roi s'inscrit dans cette mouvance, tant par son sujet que par sa maîtrise artistique. Celui-ci vaut d'abord pour son portrait de deux fieffés coquins un peu fous, que le goût de l'aventure pousse à partir à la conquête d'un royaume. Rarement le cinéma nous aura offert une si belle amitié entre deux hommes, idéalement interprétés, il faut l'avouer, par Sean Connery et Michael Caine dont la complicité est pour beaucoup dans la réussite du film. On n'imagine d'ailleurs pas d'autres comédiens qu'eux pour camper ces aventuriers et surtout pas ceux auxquels Huston avait tout d'abord pensé (Peter O'Toole et Richard Burton, Robert Redford et Paul Newman, entre autres et nonobstant leurs qualités). Il s'agit d'une histoire admirable, celle d'une amitié que rien ne pourra éroder, pas même la mort. Bien que non exempt d'un certain humour lorsqu'il raille l'armée et de ridicules et couards chefs de tribu, L'homme qui voulut être roi s'avère être une œuvre sombre, cynique et désenchantée. Constante méditation sur la mort, cette aventure s'achève sur un Sean Connery grandiose, qui accueille sa fin en chantant. Or, qu'y-a-t-il de plus beau qu'un homme chantant face à la mort ? Nos deux héros n'ont pas peur de mourir, estimant qu'ils ont accompli dans leur vie plus que la plupart des hommes. 

Le film se veut finalement très proche dans l'esprit du Trésor de la Sierra Madre. Dans ce dernier, Humphrey Bogart perdait la raison à cause de l'or avant de périr. Ici, même s'ils ne sombrent pas dans la folie, ce sont le pouvoir (Dravot) et la richesse (Peachy) qui motivent les deux compères tandis que nous retrouvons le même sort tragique touchant les personnages. Ainsi, après avoir atteint ce qu'ils convoitaient, la mort et la déchéance, cruellement, leur ôtent le plaisir d'en jouir davantage. Loin des décors fabriqués en studio, un vent d'authenticité souffle sur L'homme qui voulut être roi, plastiquement superbe. Ces paysages magnifiques et étranges créent un sentiment de fascination et d'envoûtement que la richesse de l'histoire, empreinte de mysticisme et de légendes (Alexandre le Grand, la franc-maçonnerie), contribue également à diffuser. Après une décennie quelque peu décevante que peu de grands films jalonnent, John Huston renoue avec son inspiration et sa rage durant les années 70, comme le démontre cet admirable long métrage, réflexion sur le pouvoir et l'amitié qu'il désirait réaliser depuis plus de vingt-cinq ans et l'une de ses œuvres les plus achevées, une de celles où sa patte s'avère la plus identifiable. Huston avait le goût de l'aventure (le tournage d'African Queen en témoigne) et il ne pouvait trouver plus beau terreau pour le cultiver que ce récit épique et tragique imaginé par Rudyard Kipling... (vu le 12.11.2021) ⍖⍖⍖⍖




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