14 octobre 2022

KröniK | Otargos - Fleshborer Soulflayer (2021)




Alors que Dagoth, celui qui en incarne l'âme en même temps que le dernier membre historique, semblait être lassé du black metal depuis quelques années qui l'ont vu s'attarder du côté du doom (l'excellent Blóð avec sa muse Anna) ou fricoter avec un dark rock horrifique (Volker), Otargos ressurgit pourtant contre toute attente, six ans après "Xeno Kaos". Les Bordelais, deux décennies au compteur, n'ont jamais été réputés pour faire dans la dentelle ni dans le romantisme, la haine contre les religions et la mort comme carburant. Loin d'en avoir sucé la brutalité aussi glaciale que millimétrée, ce hiatus semble au contraire les avoir revigorés. Comme si le chanteur et guitariste avait eu besoin de s'éloigner du genre pour épancher sa soif de sonorités différentes (mais toujours emplies de noirceur) et ainsi nous revenir plus déchaîné que jamais, le fiel aux lèvres. De fait, ceux qui pensaient que Otargos est une histoire ancienne et ramollie en seront pour leur frais. Ils seront même étonnés de retrouver un groupe qui n'a peut-être même jamais dressé une telle hampe dévastatrice, gonflée d'une semence bestiale. Fini les longues reptations de plus de dix minutes (voire beaucoup plus) qui émaillaient ou achevaient parfois ses précédents méfaits tels "No God, No Satan" (2010) ou "Xeno Kaos" (2015), le quatuor se décharge sans jamais s'égarer, imprimant une férocité que rien ne vient à aucun moment éroder. 

L'introduction 'Rise Of The Abomination', pleine d'une emphase symphonique et néanmoins ténébreuse, ne doit donc pas tromper, "Fleshborer Soulflayer" se présente comme un concentré de violence, fureur torrentielle venue des profondeurs de l'enfer. Si l'apport du nouveau cogneur Michael Martin (Blood Ages) est significatif, appuyant constamment sur les plaies purulentes de nos chairs tuméfiées par une telle abondance haineuse, Dagoth reste l'incontestable chef d'orchestre d'un ensemble implacable de tension souterraine. Sa voix fouille l'obscurité hargneuse et ses riffs pollués creusent des tranchées vicieuses, à l'image du morceau-titre qui accouple avec une précision fiévreuse négativité obsédante et vélocité abrasive. Car, malgré tout fidèle à la morsure glaciale de sa tourbillonnante signature, Otargos sait toujours écouler de ses saillies redoutables de rapidité des atmosphères encrassées qui ne sont pas sans une certaine beauté, froide et crépusculaire à tout le moins. Ainsi, aux côtés d'un 'Larva Venom' radical dans sa frénésie, 'Daemonfire' n'hésite pas à décélérer, s'abîmant dans une fente rituelle presque tribale tandis que 'Incursion Of Chaos' est perforé d'impurs coups de boutoir au milieu desquels jaillissent des lignes de guitares salvatrices. Ces mid-tempos étouffants offrent d'ailleurs les moments les plus farouches et donc les plus jouissifs ('Blessed By Pestilence', Sentinel') d'un album trapu et insidieux dont les replis grouillent d'émotions d'une froide cruauté. Plongée dans les arcanes d'un indicible chaos, "Fleshborer Soulflayer" affiche l'intransigeance d'un Otargos plus brutal que jamais, plus lourd et sournois aussi, auquel une habileté décuplée confère une acharnée force de frappe. Peut-être accouche-t-il même de son album le plus maîtrisé à ce jour... (09.01.2022 | MW) ⍖⍖⍖

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