20 octobre 2022

CinéZone | Robert Wise - Nous avons gagné ce soir (1949)




Si la traduction française des titres de films américains des années 30 à 60 sont souvent à côté de la plaque, telle n'est pas le cas de Nous avons gagné ce soir qui résume admirablement la force dramatique de The Set-Up. Il s'agit de la réplique que prononce le personnage joué par Audrey Totter à la fin du récit. Après avoir refusé de se coucher, Stocker Thompson (Robert Ryan) finit par triompher sur le ring comme un ultime baroud d'honneur. Traqué comme un animal, il se fait écraser la main droite, le privant à tout jamais de pouvoir à nouveau boxer un jour. Mais il a gagné ce soir comme il le déclare, blessé, à sa femme. Et celle-ci lui répond que tous les deux ont gagné ce soir car une nouvelle vie commence enfin pour eux, débarrassé de la peur de le voir mourir au terme d'un combat. Comment ne pas verser une larme lors de ces dernière minutes qui bouleverse sans jamais en faire de trop. A l'image de tout le film qui impressionne par son épure, son sens de l'économie. Mais, tourné à la manière d'une série B qui tient en à peine plus de 70 minutes, Nous avons gagné ce soir se hisse au-dessus de la simple production à petit budget, considéré logiquement comme un des meilleurs films de boxe de l'histoire du cinéma. Car l'œuvre brille de mille richesses. 

Richesse technique qui trahi la longue expérience de Robert Wise comme monteur, lequel emballe comme un thriller cette histoire tragique de boxeur déchu participant à un match truqué sans le savoir. Après s'être fait la main entre bobines horrifiques (Le récupérateur de cadavres), polar (Né pour tuer) ou western (Ciel rouge), le futur réalisateur du Coup de l'escalier ou de West Side Story gagne alors son sésame pour la cour des grands. Le match de boxe est découpé avec brio et nervosité, aidé en cela par un Robert Ryan d'autant plus convaincant qu'il a lui même boxé dans sa jeunesse. Brutale et tendue, cette longue séquence prend aux tripes. Richesse narrative ensuite d'un récit qui joue sur l'attente et  respecte l'unité de temps. Ainsi, l'intrigue se déroule sur une durée très courte, 72 minutes, qui est donc aussi celle du film. Richesse des décors auxquels la direction artistique confère avec beaucoup de réalisme un caractère miteux, qu'il s'agisse de la chambre d'hôtel, des vestiaires ou de la salle de boxe enfumée et grignotée par un noir et blanc grouillant. Richesse toujours de ces personnages d'un univers interlope que de multiples détails rendent plus vrais que nature, spectateur qui mime les coups, aveugle qui suit les matchs à travers les commentaires de son voisin, gros lard qui s'empiffre de bouffe et de bière, épouse déchainée venue pour voir du sang. Richesse encore fournie par toutes ces petites trouvailles, comme la fenêtre de la chambre d'hôtel que guette Thompson à plusieurs reprises, le fait qu'elle soit éteinte ou éclairée lui indiquant la présence de sa femme. Richesse enfin de l'interprétation, dominée évidemment par Robert Ryan dont l'intensité noire du regard se mêle à une triste fébrilité. George Tobias est parfait lui aussi en manageur véreux, tout comme Audrey Totter à la place de laquelle certains auraient aimé trouvé une actrice plus glamour alors que son physique banal participe justement à l'authenticité recherchée par Robert Wise... Nous avons gagné ce soir est un chef-d'œuvre, un vrai. (vu le 23.10.2021) ⍖⍖⍖⍖





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