5 septembre 2022

KröniK | Cherokee - Blood & Gold (2021)




En dépit des apparences induites par le nom qu’il a retenu, Cherokee n’est pas américain mais allemand. Cela fait-il pour autant une différence ? Pas vraiment car son origine géographique ne l’empêche pas de nous embarquer dans son sillage à travers les contrées désertiques et rocailleuses du nouveau continent. Après deux démos ("Ridin’ Free" suivie de "Mother Nature’s Child") puis un EP ("Wakan Tanka Nici") jalonnant une carrière lancée en 2014 déjà remarquée, les Teutons livrent enfin leur première rondelle. "Blood & Gold" nous a tout de suite aimantés : son écrin visuel, superbe et chaleureux, se présente comme une porte que nous sommes invités à franchir, conduisant à l’univers chatoyant de ses auteurs. Et surtout une chanteuse se dresse derrière le micro, ce qui certes n'est plus très original mais suscite toujours l’envie sinon la curiosité. Et quand celle-ci se frotte qui plus est à un hard rock remuant biberonné au heavy metal, il paraît difficile de résister à l’appel d’une musique énergique gainée dans une séduisante féminité. S’il ne manquera évidemment pas quelques grincheux pour dénoncer une formule (trop) à la mode dans la veine des Jess And The Ancient Ones et consorts, force est de reconnaître que la voix de Laura Vesprini assure pourtant toute la différence. Pugnace et moelleuse, elle exsude un charme fou, créant un véritable envoûtement. Arrivée en cours de route après le départ de sa devancière Katharine Heldt qui a gravé les deux démos citées plus haut et dont elle reprend ici les titres, la belle incarne incontestablement la pièce qui manquait au groupe pour gagner en profondeur et, ce faisant, prendre son envol. 

Est-ce à dire pour autant que sans elle, Cherokee ne dégagerait ni la même force ni le même attrait ? Que nenni car les musiciens abattent un travail de composition franchement orgasmique, ciselant des chansons qui toutes accrochent la mémoire. Celles-ci remplissent surtout un menu brillant par ses nuances et sa diversité. Du haut de ses 75 minutes au compteur (!), nous aurions pu craindre un album qui s’étire inutilement, parasité par du remplissage. Miraculeusement, il n’en est donc rien et ces quinze titres s’enchaînent sans temps mort ni ennui à un rythme soutenu, parfois nimbés d’ambiances soyeuses, souvent vigoureux mais toujours élégants. Par leurs harmonies turbulentes, les guitares évoquent Thin Lizzy (‘My Sweet Tulip’, ‘Ride By Night’) mais se révèlent tout aussi capables de tisser des atmosphères plus délicates à l’image du grandiose et émouvant ‘Sigourney’, joyau épique long de presque sept minutes, ou de bétonner un blues nerveux à l’occasion du teigneux ‘Song For RG’ qui convoque les grands espaces. Comme c’est le cas aussi de ce ‘Il Grande Silenzio’ échappé d’un western spaghetti. Alors que les puissants et bourrus ‘Bill Pulman’ ou ‘Rite Of Peyote’ braconnent sur les terres des dinosaures du hard rock américain, ’Following The Blues’ rampe le long d’un lancinant chemin caillouteux et ‘Just One Summer Long’ confirme que l’émotion sied tout autant aux Allemands. Sa durée ne doit pas effrayer car "Blood & Gold" héberge un hard heavy rock à son plus haut niveau, racé et batailleur, chamarré et dramatique où une voix féminine habitée est mise au service de compositions d’orfèvre. Cherokee est déjà grand. (24.12.2021 | MW) ⍖⍖⍖

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