29 septembre 2022

KröniK | Bishop - S/T (2021)




Nombreux sont ceux à se vanter d'être le plus brutal, le plus bestial, de repousser les limites de l'audible. En vérité, rares sont ceux qui peuvent se revendiquer d'une telle radicalité. Bishop en fait partie. Ce nom ne vous dit rien ? C'est normal puisque ce collectif met bas en cette fin d'année 2021 son premier rejeton. On aimerait fortement vous inviter à en faire la connaissance mais la chose en question se veut si infâme qu'il est permis de se demander s'il n'est pas dangereux voire irresponsable d'en recommander la découverte tant sa défloration imprimera immanquablement dans la chair comme dans l'âme des plaies qui ne seront pas prêtes de se refermer. C'est donc à vos risques et périls que vous tenterez cette aventure sans espoir de retour. Bishop vient à nous sous la forme d'un vinyle (il existe aussi en CD et en tapes). L'objet, glissé dans un sombre fourreau, impose d'emblée l'image d'un son massif. Quelque chose de lourd, d'oppressant peut-être. Impression poursuivie par un visuel malsain dont on ne préfère pas trop savoir ce qu'il représente. Ce premier contact pose les bases d'une expérience sonore qu'on pressent rude et pénible. Dans le bon sens du terme, s'entend. Mais il faut être un peu masochiste ou un poil dérangé pour avoir envie de pénétrer ce bloc autarcique qui nous est promis. Ou alors ruminer des idées (très) noires. Car, ce premier album des Messins est bien ce qu'il a l'air d'être, un concentré poisseux de violence atavique. 

Nous pourrions nous attarder sur les quatre musiciens qui animent le groupe, issus de Loth, Le Seul Elément ou X Vision, ou sur leur origine géographique, la Moselle donc, dont le froid terreau n'est certainement pas étranger à la négativité rocailleuse dont ils saignent à grands flots. Mais non, autant s'enfoncer dans les méandres de cette création abominable, qui semble être tapie dans l'obscurité depuis le fond des âges. Son écoute renvoie à ce qu'il y a de plus vil en l'être humain, réservoir de toutes les haines refoulées, de toutes les pulsions inavouables, de tous les dessins les plus morbides. Son équarrissage en quatre parties anonymes participe de cet agrégat magmatique qui ne peut se déniaiser que d'une seule traite. Comme un supplice interrompu ouvrant les vannes d'un torrent de sang et d'humeurs infectes. Sa moelle se nourrit d'un carburant tout aussi sordide enrichi à base de black metal, de hardcore ou de power electronics, tous exploités dans leur définition la plus souillée et corrompue. De cette masse atroce, corrosive, on ne retient d'abord rien si ce n'est ces vocalises autoritaires qui polluent tout l'espace à la façon d'un dégazage sauvage ('I'), pinceau d'une laideur fielleuse trempé dans un charnier aussi vicié que pulsatif ('II'). Peu à peu pourtant, l'œuvre inocule son venin par la force sourde de riffs post metal qui grondent d'une intensité volcanique ('III') et emporte tout avec ces rouleaux de batterie puissamment hypnotiques  tricotés jusqu'à la rupture au bord d'un gouffre sans fond ('IV'). Chaotique, l'album trace néanmoins un sillon, quittant peu à peu l'infamie boueuse pour grignoter timidement les rivages cependant toujours charbonneux d'une émotion immersive non dénuée d'une forme de beauté. Une beauté évidemment contaminée par l'encre noire du désespoir le plus définitif. Bishop nous convie à un voyage sans retour dans les abîmes de l'indicible, grouillant dans son intimité malfaisante, d'une tension paroxysmique et nihiliste, parfaite bande-son d'une humanité condamnée à la folie. (31.12.2021 | LHN) ⍖⍖⍖

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