D'origine portugaise, Pedro Serpa est un artiste complet, musicien aux multiples compétences (guitare, basse, chant), graphiste et auteur de bandes dessinées. C'est bien sûr la première de ses facettes qui nous intéresse plus particulièrement. Alkimista est le nom de son projet musical et Cizas, la seconde offrande sous cette bannière solitaire. Il y grave un doom death épuré auquel cette nature esseulée, loin de l'appauvrir lui confère au contraire une bonne part de son âme. Et alors que, en toute franchise, nous n'attendions pas grand chose de cette obole, la bonne surprise est finalement au rendez-vous. Dans ce registre pénitent, l'unique maître des lieux (il a toutefois confié la batterie à un autre être humain) livre une création dont la modestie n'a d'égale que la grande force dramatique. Par rapport à Entre a Emoção e a Razão (2018), son prédécesseur, Cizas s'arc-boute sur des complaintes au format plus ramassé, à l'exception de deux d'entre elles, ce qui ne le vide absolument pas d'une beauté tragique qui s'exprime autant dans ces mélopées en portugais que dans ces lignes de guitares d'une pureté d'airain.
En moins de quatre minutes d'une sécheresse acoustique, 'Morthalha' suinte cent fois plus d'émotion que des albums entiers de rock gothic misérabiliste. Osseux et d'une teneur essentiellement instrumentale, les morceaux les plus courts sont donc aussi ceux qui égrènent la tristesse la plus douloureuse à l'image de de l'intimiste 'Sonho', conclusion contemplative qui évoque la poésie blafarde de plages désolées battues par un ressac mélancolique. Claviers hantés et glas abandonné soulignent la tendresse de cette froide errance propice à l'introspection. S'il convoque alors la contrition des premiers Anathema et Paradise Lost, Alkimista puise également son inspiration dans le death évolutif d'un Opeth, influence qu'imprègne le puissant 'O Rei De Nada', reptation immersive que les vocalises caverneuses clouent cependant dans un bois mortuaire. Le chant lusitanien de Pedro Serpa, parfois clair, le plus souvent abyssal, donne d'ailleurs tout son sel et son charme à ce doom death auquel il administre une forme de lyrisme ténébreux et désenchanté tout ensemble, comme l'illustre le morceau-titre dont les onze minutes tout en clair-obscur témoigne qu'il puise autant dans la chapelle britannique que suédoise, technique et quasi progressive. Il en découle une œuvre d'une belle justesse de touches autant que de traits, touchante et profonde, gravée dans une tristesse aussi funèbre que racée dans son expression aux confins du doom et du death progressif, qualités précieuses qui impose la découverte impérieuse de son très estimable géniteur... (27.12.2021 | LHN) ⍖⍖
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