8 août 2022

KröniK | Thumos - The Republic (2022)




Au risque de se répéter, Thumos n'est vraiment pas un groupe de doom (ou pas) comme les autres. Quand la plupart de ses collègues doloristes sillonnent bien souvent le même chemin balisé tant d'un point de vue conceptuel (la mort, la dépression...) ou visuel (toujours une croix dans un coin, des paysages sinistres...), les Américains puisent quant à eux leur inspiration dans la Grèce antique ! Pas vraiment une époque fréquemment citée par la musique qui nous est chère. Cela peut surprendre, à l'image de la fresque "L'école d'Athènes", peinte par Raphaël au XVIème siècle, qui sert de pochette à The Republic dont le titre se réfère évidemment à Platon. Mais la singularité de Thumos ne s'arrête pas à cet environnement antique et philosophique puisque son art se révèle tout aussi étrange, instrumental et rugueux. Qui se trouve derrière ce projet ? Nous l'ignorons, celui-ci se gardant bien de divulguer l'identité de son ou de ses créateur(s). Après nous avoir inondés de démos (cinq en tout) et d'EPs (dont The End Of Words), cette intrigante entité accouche d'un premier album. Son contenu ne rappelle rien de connu, n'évoque aucune influence à laquelle se raccrocher à la manière d'une balise. Le fait que Thumos ait opté pour ce format instrumental et pointilliste sinon minimaliste pourrait l'arrimer au post metal mais il ne s'affranchit jamais d'une lourdeur terreuse qui le cloue au sol et lui brise les ailes qui devraient lui permettre de décoller - ce qu'il ne fait donc jamais. A l'instar des esquisses qui ont précédé et fixé cette identité sonore extrêmement forte, The Republic apparait engourdi. Et les rares velléités de mouvements ('The Ship') sont étouffées, comme avortées. 

Pourtant, il délivre un programme passionnant de bout en bout. Si guitare et batterie bouffent tout l'espace offert, se répondent, s'opposent, s'enlacent et s'accouplent, dégraissées qui plus est de toute trace de sophistication, elles bâtissent un édifice aux multiples facettes. Entame grondant d'une tension sourde, 'The Unjust' répand une dramaturgie hypnotique tout en progression. 'The Ring', qui lui succède, est percé en fin de parcours par des lignes de guitare belles à pleurer tandis que la batterie érige dans la nuit une falaise meurtrie. Plus lancinant, 'The Virtues' épouse les atours d'un post metal plus classique, impression toutefois perturbée par un travail rythmique parfois heurté. Plus loin, 'The Regimes' se faufile durant plus de huit minutes à travers les replis bizarres d'un dédale évolutif alors que 'The Just' pleure une beauté aussi déchirante que squelettique. Ces quelques exemples suffisent à dévoiler une œuvre tout du long fascinante, pesante mais jamais monolithique, tragique mais grouillant d'un espoir élancé, épurée mais vibrant d'une richesse tant instrumentale que mélodique. Fidèle à une personnalité qui n'appartient qu'à lui, Thumos peaufine avec The Republic son art d'une dureté énergique, livrant un premier album à la hauteur des attentes suscitées par une poignée d'ébauches remarquées, alliage envoûtant d'un post metal dramatique et d'un doom aux relents progressifs. Indispensable ! (04.12.2021 | MW) ⍖⍖⍖

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire