Parfois, les drames sont nécessaires. Oui, Funeral a dû finalement vivre des moments douloureux – les décès du bassiste Einar Andre Fredriksen en 2003 puis celui du guitariste Christian Loos trois ans plus tard - pour enfin atteindre une forme de paix sinon de stabilité. Actif depuis 1991, ce n’est donc que depuis deux ans que le groupe parvient enfin à mener une carrière un tant soi peu normale, après une période chaotique entre 1995 et 2006. On ne peut trouver plus belle preuve de cette victoire sur le destin que ce miraculeux As The Light Does The Shadow, son (seulement) cinquième opus. Ce pavé de plus 70 minutes (pour dix titres) se veut proche de son prédécesseur, From These Wounds, pour sa façon de forger un doom metal moins monolithique que sur leurs aînés des nineties ou moins gothic que sur In Fields Of Pestilent Grief mais toujours aussi triste. Si ce n’est davantage. Les Norvégiens sculptent désormais une musique très mélodique car débarrassée d’oripeaux extrêmes tels que le chant d’outre-tombe, bien que minée par des guitares aux allures d’enclumes. Celles-ci sont le vecteur avec la voix emprunte d’une certaine solennité si particulière de Frode Forsmo, d’un désespoir infini qui confine au recueillement mortuaire ; suintant la tristesse (« The Will To Die »), elles dressent les contreforts d’un édifice qui semble abriter tout le malheur de l’humanité (« Hunger »). Comment pourrait-il en être autrement quand on a vécu de si près la mort ?
Le paroxysme de cette mélancolie absolue est atteinte avec le gigantesque « In The Fathoms Of Wit And Reason », assurément le sommet du disque, enténébré par la présence du fabuleux Robert Lowe de Candlemass et Solitude Aeturnus, toujours aussi grandiose. Proche de From These Wounds ai-je déclaré plus haut. Certes, mais cet album trempe toutefois son pinceau dans de nouvelles couleurs, plus symphoniques (dans le bon sens du terme), par le biais d’orchestrations graves et discrètes comme l’illustrent « Towards The End », « The Strenght To End Lit » et surtout « Hunger ». Lentes, pétrifiées et tout simplement belles à tirer des larmes aux plus endurcis d’entre vous, ces longues plaintes font honneur au doom, elles sont même une manière de définition d’un art de la souffrance, de la douleur. Pas de lumière, pas davantage d’espoir, le doom reste plus que jamais la musique de la vie et Funeral est sa vigie dans un chemin s’enfonçant dans les limbes. Dans le genre, As The Light Does The Shadow s’impose comme la meilleure offrande depuis le cultissime As The Shadows Fall de Godsend en 1993 (merci KK). La similitude des titres, en forme de profession de foi, résume d’ailleurs bien cette filiation. Même ambiance, même beauté et même réussite. (01/11/08) ⍖⍖⍖
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