Par petites touches, Diablation est venu frapper à notre porte. Ce fut d'abord un nom au parfum de soufre, plaqué sur l'embarcation de deux âmes possédées que l'amateur de musiques sombres connait bien pour les avoir croisés au sein de Ad Inferna. Mais aux côtés de V. Orias, Vicomte Vampyr Arkames fut surtout la voix de Seth à ses débuts et pour lequel il a donc enténébré Les blessures de l'âme (1998), œuvre quintessentielle de l'art noir hexagonal. Un tel projet réveillait d'un coup d'obscurs élans dans nos esprits tourmentés. Un avant-goût du fruit de leurs ébats, suivi d'un premier extrait incarné par 'Aigle du mal, aigle de sang', obole ô combien prometteuse, nous ont très vite plus que mis l'eau à la bouche. Deux autres titres ont suivi, confirmant le potentiel, immense, de cette hydre à deux têtes. Allégeance est désormais là, à la hauteur des espoirs révélés. Fidèles à leurs idéaux et à leur vision du black metal, V. Orias et Vicomte Vampyr Arkames inscrivent leur progéniture diabolique dans une tradition française parfaitement identifiée, celle de Seth justement ou de Anorexia Nervosa soit un metal noir emphatique et ténébreux auquel la langue de Molière confère une sinistre poésie. Que l'indispensable Rose Hreidmarr, avec lequel les maîtres des lieux partagent une même servitude au satanisme, surgissent le temps d'un 'Ego Daemonium' brutal et crépusculaire, ne surprend donc pas mais sa présence injecte à cette composition d'une enveloppante noirceur la dimension séculaire requise.
Reste qu'à l'écoute de cet acte de mort, deux choses frappent particulièrement. Il s'agit d'une part de l'éclatante qualité d'écriture qui érige un édifice brillant d'une force épique. Les arrangements s'avèrent somptueux ('La noirceur des limbes'), les mélodies ont quelque chose de morsures creusant de profonds stigmates dans la chair comme dans l'âme. Le déjà cité 'Aigle du mal, aigle de sang', qui bouillonne d'une tourbillon de riffs incisifs, 'Des ruines de la solitude éternelle', qu'embrume un suaire sombrement envoûtant ou 'L'ordre hermétique des âmes noires' qui accueille dans son âtre brûlant les crépitements d'une beauté maléfique, témoignent du travail remarquable abattu par le guitariste V. Orias. D'autre part, en parfaite symbiose avec le socle sonore bâti par son compère, la performance du chanteur est à louer par sa puissance d'évocation, rappelant qu'il demeure un des prêtres les plus charismatiques et incarnés du genre. Narrateur d'histoires aux couleurs funèbres de la fin du monde, il est le guide menant l'auditoire sur un funeste autel qui s'achève en apothéose lors du triptyque 'La nuit obscure de l'âme' qu'il remplit de ses tripes, intimes et poétiques. Allégeance est une œuvre noble et exigeante don on devine qu'elle résulte d'un long processus créatif en même temps qu'elle fixe déjà la signature de Diablation lequel, avec une force presque charnelle, renoue avec le lustre luciférien originel. Ce faisant, il capte l'esprit de l'art noir dans toute sa pureté solennelle et dans son verbe douloureux. (12.12.2021 | LHN) ⍖⍖⍖
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