L'underground chevillé à la moelle, Aspaarn compte parmi ces projets qui cultivent l'opacité la plus totale. Aucun crédit ni photo ne circulent à son sujet. A peine savons-nous qu'il s'agit d'un one-man band implanté en Suisse, à Lausanne pour être précis. Lorsque les balises auxquelles il est commode de s'accrocher manquent, il ne reste donc plus que le son. L'essentiel. Le fait que les informations relatives à son identité se révèlent lacunaires, fournit néanmoins un premier indice quant à la terre qu'il ravine, assurance d'une expression évidemment dépouillée, presque autarcique, probablement crue et malsaine. La pochette griffonnée par une simple illustration à l'ancienne à la manière d'un dessin épuré qui habille Ancestral Genocides, corrobore cette froide et sinistre augure. La défloration de cette première offrande proposée dans l'écrin d'un vinyle qui lui sied davantage que le format numérique qui la complète, précise la teneur squelettique voire austère d'un black metal honoré pour son essence glaciale et désolée. Prise de son étouffée, chant aussi lointain qu'inaudible, tempo qui ne file jamais droit et guitare corrodée par une rouille dégueulasse commandent une anatomie artisanale.
Guidé par une démarche authentique et sincère, Aspaarn rampe dans les caveaux un metal noir souterrain dont toute trace de beauté sinon de lumière est éconduite. Parfois tapissées de nappes ambient neigeuses ('The Primordial Offering'), ces plaintes s'enchaînent, exhalant le blizzard morbide d'une décrépitude inexorable sans jamais céder le moindre compromis. Il y a dans cette absence de concession mélodique et cette manière d'avaler le plus petit râle de vie, une dimension presque jusqu'au-boutiste. De ce brouet volontairement infâme surnagent cependant de fugaces lambeaux gorgés d'une tristesse obscure ('Afloat The Ocean Of Human Nothingness'). D'aucune jugeront certainement ce Ancestral Genocides trop décharné, son exécution trop cahotante mais outre le fait que c'est justement dans cette aridité lugubre qu'il tire sa nature primordiale, son géniteur ne confond pourtant jamais traits écorchés et croûte anémiée. Et par son dénuement cadavérique et gelé, cet album réussit à capter l'esprit taciturne de paysages figés par la nuit et la morsure de l'hiver et au fond desquels survit l'âme d'un peuple ancestral. Ses atours rudes amassés dans une saleté ténébreuse ne lui interdit pas une réelle profondeur émotionnelle, laquelle suinte de cette bouillie ferrugineuse. Ancestral Genocides est l’âtre sinistre où crépite ce raw black metal séculaire évocateur de forêts pétrifiées par le froid et de rites primitifs. (22.12.2021 | LHN) ⍖⍖
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