Comme souvent à Hollywood, Un plan simple connaît une genèse tortueuse, passant de main en main durant plusieurs années. Successivement, Mike Nichols, John Dahl et même John Boorman sont un temps associer à cet adaptation d'un roman écrit par Scott B. Smith en 1993. Les acteurs ont déjà été choisis (à l'exception de Bridget Fonda) et les repérages effectués, lorsque Sam Raimi en prend finalement les commandes. A cette époque, son nom demeure encore lié à la trilogie Evil Dead - ce qui est toujours le cas aujourd'hui - et nombreux sont alors ceux à s'étonner de le voir diriger un pur film noir. Mais c'est oublier que Mort ou vif (1995), avec une réussite certes moins franche, témoignait de sa part d'une volonté de s'éloigner du fantastique. Evidemment, cette histoire plantée dans l'Amérique neigeuse et très profonde ne manquera pas d'évoquer le Fargo (1995) des frères Coen, avec lesquels Raimi est d'ailleurs copain. Mais on aurait tort de réduire Un plan simple à un simple calque. A l'humour (noir) des frangins, le réalisateur de Darkman préfère une approche totalement dramatique et quasi hustonienne par l'inexorabilité et la fatalité qui frappent un récit aux allures de fuite en avant sans aucun espoir de retour.
L'œuvre repose sur l'empilement de trois strates. La première est servie par cette histoire diabolique qui voit chaque décision prise enferrer encore davantage les quatre protagonistes, prisonniers d'une spirale qui les happe peu à peu et dont seule la mort peut les en extraire. Raimi orchestre avec une épure virtuose cet étau en utilisant admirablement ces paysages enneigés du Wisconsin dont la pureté est souillée par la soif de l'argent. La psychologie des personnages alimente la deuxième strate du film. Au départ, le bonheur semble rayonner sur la vie de Hank Mitchell (Bill Paxton) dont la jolie épouse (Bridget Fonda) attend un enfant. Pourtant, très vite, dès l'irruption du frère ainé (Billy Bob Thornton, enlaidi et méconnaissable), on devine les ressentiments enfouis, les cicatrices, les fêlures que ce plan simple va raviver. Car derrières les bitures entre frères et amis, tout oppose finalement Hank et Jacob. La vie semble avoir souri au premier alors que le second, binoclard et bègue ne peut échapper à son sort de bouseux. Les personnalités se révèlent, notamment celle de la douce Sarah qui va peu à peu téléguider son mari et l'enfoncer encore un peu plus dans la nasse. La dernière strate illustre enfin l'attraction mortifère de l'argent sur les hommes même les plus honnêtes, capables alors de commettre l'irréparable pour une montagne de billets de banque... Qui ne sera en définitive qu'un mirage comme nous l'apprendra l'épilogue pleine d'ironie du film... (vu le 24.09.2021) ⍖⍖⍖
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