Nonobstant son incontestable réussite tant sur un plan artistique que commercial, Deadwing (2005) n’a pas totalement satisfait Steven Wilson lequel, regrette d’avoir maladroitement tenté de décrocher un hit potentiel pour les radios, quand bien même il serait exagéré de prétendre que cet opus était corseté par un quelconque formatage. On en est même très loin. Bref. S’il noue plus d’un lien avec son néanmoins glorieux prédécesseur, dont un « Anesthetize » qui reprend l’architecture du tout aussi démentiel « Arriving Somewhere But Not Here », Fear Of A Blank Planet a donc été enfanté comme une réaction à Deadwing. Se moquant désormais du tiroir-caisse, bien que le groupe ait maintenant lié sa destinée au puissant Roadrunner, Wilson fait ce qu’il veut. Résultat : six titres dont tous dépassent les cinq minutes pour presque effleurer une fois les 18 minutes, qui forment les différentes arêtes d’un édifice homogène. Davantage donc qu’une collection de chansons – ce qu’aucun album des Anglais n’a du reste jamais été -, il s’agit bien d’un ensemble cohérant et pensé comme tel. A l’écoute de ce chef-d’œuvre, on se rend vite compte que celui-ci s’avère parfaitement équilibré et qu’aucun autre titre n’aurait pu y trouver sa place. Créateur génial, Wilson semble avoir découvert le nombre d’or en matière de musique. Durant les premiers aller-retour effectués, Fear Of A Blank Planet apparaît tout d’abord quelque peu décevant, la faute (paradoxalement) à un « Anesthetize » qui écrase tout sur son passage, faisant de l’ombre à ses petits camarades. Cette (très) longue pièce progressive, bien que musclée (le break à la Meshuggah vous scotche au mur illico) et sur laquelle Alex Lifeson de Rush vient poser un solo magique, est tellement gigantesque que fatalement, on ne retient qu’elle.
Puis, on commence à faire des arrêts de plus en plus fréquents sur les autres pistes qui finissent alors par révéler leurs trésors. « Fear Of A Blank Planet », longue pulsation aux riffs puissants, ouvre le feu sur les chapeaux de roues, témoignant que Porcupine Tree peut faire la nique à beaucoup de groupes de metal. Introduite par des claviers aux sonorités seventies comme échappés du « No Quarter » de Led Zeppelin, « My Ashes » est une douloureuse ballade d’une beauté émotionnelle intense, à l’instar de « Sentinel », miné par une tristesse à vous arracher des larmes, véritable cathédrale abritant tous les regrets d’une vie grise tellement éloignée de tous les espoirs bâtis quelques décennies plus tôt. Cette profonde mélancolie, coutumière chez Steven, se détecte aussi à travers ses lignes vocales qui émaillent le superbe « Way Out Of Here », rythmé en outre par une combinaison basse / batterie tellurique et hanté par la présence noire du grand Robert Fripp (King Crimson). Enfin, l’accrocheur « Sleep Together » achève le programme, rehaussé par des orchestrations intelligemment greffées, graves et discrètes. Qu’ajouter de plus, si ce n’est qu’on tient là sans doute l’œuvre la plus aboutie de Porcupine Tree qui est parvenu à redéfinir la notion de metal progressif, habile dosage entre puissance, émotion et inventivité. Steven Wilson pourra-t-il dépasser ce d’ors-et-déjà mètre-étalon du genre ? Vu le talent du bonhomme, on ne se fait pas trop de souci… (28/09/08) ⍖⍖⍖⍖
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