Il arrive que l'habit ne fasse pas tout à fait le moine, comme le démontre par exemple Through The Stars Into The Abyss, troisième méfait ruminé par Demonic Temple. Ainsi, le groupe semble cocher toutes les cases du black metal aux coutures saignantes, brutal et blasphématoire. Son nom qui fleure bon le satanisme bas du plafond tout comme son origine polonaise, promesse bien souvent d'une agression en règle, peu portée sur le point de croix, laissaient donc augurer d'une messe noire bestiale et barbouillée d'un foutre impie. En vérité, le mystérieux duo que composent N.D. (chant et batterie) et M. (guitares) se veut bien moins frontal que ce que sa vitrine grimée et diabolique affiche de prime abord.
Est-ce à dire pourtant que les Polonais bandent mou ? Au contraire, dressant une lourde et ténébreuse turgescence, ils ne refusent jamais de galoper pour moissonner les cadavres. Blasts déchaînés et guitares souillées par la rouille creusent des tranchées au fond desquelles s'écoule un torrent malsain qui emporte tout, avalant toute trace de lumière sinon de vie. Cependant, très vite, les deux gaillards s'écartent de la route tracée pour s'enfoncer dans une fente charbonneuse quoique irradiant toujours une négativité souterraine.
Annoncé par des préliminaires cosmiques et inquiétants, 'Through The Stars Into The Abyss' déboule sans crier gare, lacérant les parois d'une caverne abritant quelque cérémonie interdite. La cadence tempétueuse et la tension qui se répand à la manière d'un ressac infernal enracine Demonic Temple dans la frange la plus tortueuse, la plus labyrinthique du black metal, plus proche en cela d'un Deathspell Omega que de son compatriote Mgla. Mais après martelé une noirceur cataclysmique durant plus de quatre minutes furieuses et sans concessions, le duo entame à mi chemin une puissante décélération que nimbent des nappes fantomatiques, étirant alors une toile nébuleuse de laquelle pointe un absolu désespoir.
Fouillant l'immensité froide du cosmos, le groupe reproduit ensuite ce même patron que poinçonne une batterie mangeuse d'espace et cisaillent ces guitares venimeuses gorgées d'un jus mélancolique, témoin le grandiose 'Night Of Everlasting Fire' dont le final bouleversant voit une triste beauté lécher la falaise pulsative érigée par la frappe du chanteur. N.D. impressionne d'ailleurs tout du long en propulsant ces compositions sinueuses et telluriques dans des arcanes cyclopéennes, ouvrant des cratères béants desquels sont exhalées des émanations mortifères ('Secret Temple Of Invisible Light'). Oscillant entre sept et huit minutes au compteur, la durée des titres étire un cadre propice aux structures tordues et aux atmosphères brumeuses. De là découle cette ambivalence entre une férocité obscure, tendue comme une verge tentaculaire et une profondeur cosmique qui écartèle cet album dont la sourde et prolifératrice beauté bataille avec une violence insondable et échevelée.
Nonobstant les réelles qualités qui fondaient Chalice Of Nectar Darkness (2017) puis Incrementum (2018), force est d'admettre que nous n'attendions pas les Polonais à un tel niveau de maîtrise et capables d'une telle richesse. Fort de ce Through The Stars Into The Abyss, à la fois cryptique et sombrement astral, Demonic Temple accède à une autre dimension.. (26.09.2021 | LHN) ⍖⍖⍖
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