Entité majeure du black metal américain plus forestier qu'atmosphérique dont il a fixé les bases avec Agalloch, Wolves In The Throne Room est toujours particulièrement attendu lorsqu'il s'apprête à sortir de sa tanière. Surtout que les deux frères Weaver se font désormais de plus en plus rares, espaçant chaque nouvelle offrande d'un délai de trois ou quatre ans, ce qui est bien long mais nécessaire au groupe pour façonner des albums qui sont autant de pierres dressant un édifice qui peu à peu prend forme dans toute sa sinistre et pourtant flamboyante majesté.
Et si Wolves Of The Throne Room nous a parfois agacés (bien malgré lui) en devenant tendance auprès des lecteurs de Télérama et autres torchons pour bobos, son art aussi exigeant que noble mérite définitivement mieux que cette hype. Preuve en est la diversité des visages qu'il arbore d'un opus à l'autre depuis au moins dix ans, mystique et terreux sur "Celestial Lineage" (2011), instrumental et cosmique sur "Celestite" (2014), plus brut sur "Thrice Woven" (2017). Qu'en est-il de "Primordial Arcana" ?
Amorce torrentueuse, 'Mountain Magick' confirme le retour à une expression plus dure et purement black metal esquissée par le disque précédent. Fournissant la matière à un clip, ce titre a quelque chose d'une robuste falaise que percent des cascades émotionnelles incarnées par des guitares belles à pleurer et des nappes de claviers ombrageuses. On devine que l'apport du guitariste d'Aldebaran, Kody Keyworth, a été décisif, davantage sans doute que sur "Thrice Woven" qui marquait son recrutement au sein du groupe. Il hachure la musique de Aaron et Nathan d'une noirceur plus abrupte encore. Plus doom également.
Mais la défloration attentive de ce septième album nuance cette impression d'un simple retour aux sources. Certains le définiront comme une manière de synthèse, associant l'éclat d'ambiances sylvestres à de tranchantes effusions ('Primal Chasm' et son intro primitive très black norvégien), le tout nimbé d'une emphase épique qui n'est pas sans évoquer le Bathory de l'ère Viking ('Through Eternal Fields'). Davantage que résumé, nous préférons pour notre part voir en "Primorial Arcana" la quintessence de Wolves In The Throne Room plus que jamais en osmose avec cette nature mystérieuse qu'il ne cesse de remuer pour bâtir la moelle d'un art ancré dans toute une géographie - celle de la Chaîne des Cascades - et dans une mystique rituelle et poétique, démarche qui l'a poussé à construire son propre studio d'enregistrement en bois niché dans la forêt !
Sous une écorce parfois abrasive, le successeur de "Thrice Woven" respire tout du long cette symbiose avec une nature primordiale et nourricière dont il tète le nectar à la fois boisé et spirituel qui demeurera à tout jamais une énigme pour l'Homme. Dans la forme comme dans le fond. La première conjugue au plus que parfait émotions boisées et écoulement déchaîné à l'image de ce 'Spirit Of Lightning' qui, en un peu plus de six minutes, oscille du calme à la tempête, de la beauté à la rage. L'œuvre suit une sente escarpée tout à tour d'une lenteur douloureuse ('Through Eternal Fields'), sombrement emphatique ('Underworld Aurora'), balayée par le souffle du grand Nord ('Masters Of Rain And Storm' que teintent des arpèges squelettiques) ou aux confins de l'ambient ('Eostre'). Connecté à la terre, le fond s'enracine quant à lui dans un humus organique, captant l'essence rituelle d'une nature insaisissable qui appelle de notre part humilité et respect.
Continuant de façonner son art, précieux et dramatique, Wolves In The Throne Room nous soumet avec "Primordial Arcana", un album en forme de voyage tant intime que sonore à travers son univers et l'aura primitive de cette nature de l'Amérique du Nord dont il tente inlassablement de capturer l'esprit et la force. (15.08.2021 | MW) ⍖⍖⍖
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