Avec Avec le recul, on peut affirmer sans se tromper que Sons Of Alpha Centauri n'en a finalement toujours fait qu'à sa tête. Peut-être parce que, contrairement à la majorité des groupes de stoner / desert rock de sa génération, il n'est pas américain mais anglais, ce qui change quand même beaucoup de choses, à commencer par cette propension à ne jamais se trouver là où on pense le croiser. Et même à disparaître carrément des écrans-radars pendant près de neuf ans !
Mais depuis 2018, les Rosbifs semblent vouloir rattraper le temps perdu, usinant - enfin ! - un tardif deuxième opus ("Continuum"), suivi de peu par "Buried Memories", EP composé de pistes remixées et occasion d'inviter quelques copains tels que Justin Broadrick (Jesu, Goflfesh) ou James Plotkin (Khanate). Et des copains, les membres de S.O.A.C. en collectionnent. Leur carnet d'adresse est gros comme le bottin, ce qui leur permet de multiplier les collaborations avec Treasure Cat ou Yawning Man.
"Push" est à la fois le fruit de cette liberté et de ce penchant collaboratif. Mais ce troisième effort longue durée n'en est pas moins surprenant, et pour une raison simple : alors que les Anglais étaient restés fidèles depuis leur début à une formule intégralement instrumentale, les rapprochant de leurs potes de Karma To Burn, ils ont cette fois-ci décidé de recruter un chanteur ! Le changement est brutal et le choc est rude. Le fan non averti risque ainsi ne de pas reconnaître le groupe... avec la déception au bout de l'écoute. Faut-il pour autant clouer cet album au pilori ? Que nenni. Et ce, pour au moins deux raisons.
La première réside dans l'identité même du chanteur puisqu'il s'agit de Jonah Matranga, figure emblématique de la scène hardcore / screamo de Sacramento dans les années 90 avec des formations telles que Far, Gratitude ou New End Original. Et contre toute attente, en usant de cette voix à la fois rageuse et plaintive, les Britanniques s'inspirent non seulement du courant musical auquel est associé l'Américain mais nouent encore une fois un lien très fort avec Karma To Burn auquel Roadrunner avait imposé un chanteur sur le premier album éponyme, ajout qui donnait justement à celui-ci un lointain cachet screamo et new wave.
La comparaison s'arrête toutefois-là car Matranga injecte à la musique de S.O.A.C. une espèce de dureté granuleuse, une saleté bitumeuse particulièrement marquée sur l'amorce 'Get The Guns', brûlot politique d'une lourdeur inquiétante. Notez que Jonah n'est pas la seule recrue de cet album qui accueille un second batteur en la personne de Mitch Wheeler, lui aussi musicien culte, au sein de Will Haven cette fois. Manière encore pour ses hôtes de s'enraciner dans ce post hardcore californien pesant sans jamais oublier d'être mélodique.
La seconde raison tient au fait que Sons Of Alpha Centauri n'a pas réellement viré sa cuti, coulant les influences distribuées par ses invités dans son socle familier. Comme le suggère son visuel à l'esthétique aussi superbe qu'épurée, "Push" s'inscrit dans la continuité de son prédécesseur qui trahissait déjà une franche évolution par rapport au stoner rock originel en dérivant vers des sonorité plus post rock et ambient quoique toujours enrobées d'une lourde croûte. La deuxième partie du menu, qu'incarnent notamment des titres tels que 'Saturn', 'Boys And Girls' ou 'Dark Night', confirme ce glissement vers une musique en vérité plus metal et que renforce l'apport conjoint de Matranga et de Wheeler. Il en résulte un disque plus brut que ses devanciers. Plus noir et dramatique sans aucun doute.
Mais, bâti sur le style propre à ses géniteurs, "Push" n'en est pas moins une œuvre singulière en cela qu'elle puise dans les divers composants qui la travaillent de l'intérieur pour aboutir à une création unique, entre screamo et post metal. S'il n'est pas certain que tous les fidèles de Sons Of Alpha Centauri cautionnent ce changement somme toute radical, ce troisième album se glisse sans heurt dans sa discographie. Le groupe poursuivra-t-il cette collaboration avec Jonah Matranga ou bien retournera-t-il à ses premières amours instrumentales ? Nul ne le sait encore, mais connaissant bien les Anglais, la suite ne manquera pas de réserver des surprises... (22.08.2021 | MW) ⍖⍖⍖
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