28 avril 2022

CinéZone | William Fraker - A Reflection Of Fear (1972)




Sondra Locke a eu une vie avant de rencontrer Clint Eastwood dont elle deviendra la partenaire devant et derrière la caméra. Au regard de ses prometteurs débuts, il est permis de juger sa carrière finalement décevante même si sa relation avec Dirty Harry lui a conféré une exposition commerciale dont elle n'aurait sans doute pas bénéficié sinon. Le cœur est un chasseur solitaire (1968), Willard (1971) et A Reflection Of Fear incarnent ses premiers pas qui laissaient espérer beaucoup. Le dernier d'entre eux n'est pas sans défaut (nous y reviendrons) mais il repose essentiellement sur sa présence trouble et malsaine. Le fait que son mari homosexuel Gordon Anderson, avec lequel elle a entretenu une relation bizarre durant toute sa vie (même quand elle partageait le lit de Clint !), assure la voix de la poupée Aaron, manifestation des pulsions refoulées de Marguerite, souligne encore davantage l'empreinte de la comédienne sur ce film à l'ambiance pesante bien rendue. 

Tourné en 1971 mais projeté que deux ans plus tard, A Reflection Of Fear a souffert d'une post-production houleuse entre (nombreuses) scènes coupées et divers montages. Réduit à 89 minutes, il est évident que des pans de son scénario ont disparu, expliquant le caractère inachevé du résultat. Des pièces semblent ainsi manquer tandis que la conclusion s'avère trop abrupte, comme bâclée. L'œuvre affiche pourtant nombre de qualités. S'il a confié la photographie à Lazlo Kovacs, sa longue expérience comme chef opérateur (Rosemary's Baby, Bullitt...), dicte à William Fraker des images extrêmement soignées, brumeuses et humides pour les extérieurs, ouatées et presque oniriques pour les intérieurs. 

Mais le réalisateur n'en fait pas moins preuve d'une grande pudeur sachant en dire beaucoup avec peu comme l'illustre la scène de la plage, muette, où la jalousie entre la jeune fille et la compagne de son père est prégnante, morbide pour la première, résignée pour la seconde. En quelques plans, la relation équivoque qui s'est installée entre les trois personnages, est ainsi esquissée. A ce sujet, le film se révèle audacieux par son climat à la sexualité chargée, incestueux et vénéneux. On devine Marguerite se masturbant en gémissant "papa" ou embrassant celui-ci tandis que "Aaron" viole la mère avec un bâton ! Si le twist final est aussi perturbant qu'efficace, il soulève pourtant plus de questions qu'il en résolve. La jeune fille serait en réalité un garçon, expliquant sa paranoïa. 

Un mot enfin sur l'interprétation. Alors que Sondra Locke suinte le vice et la folie et que Sally Kellerman, désirable à souhait, traduit toute le désarroi de son personnage qui se sent de plus en plus délaissé, Robert Shaw parait étonnamment peu concerné, moins dans tous les cas que dans Les brutes dans la ville ou La méprise tournés à la même époque. Sans susciter un total enthousiasme, Le souffle de la peur reste un film intéressant qui mérite d'être redécouvert. (vu le 12.07.2021) ⍖⍖




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