25 mars 2022

KröniK | Néfastes - Scumanity (2021)




Quand trois membres de Benighted, actuel (Julien Truchan) ou passés (Liem N'Guyen et Olivier Gabriel), décident de s'associer pour pactiser avec le gros vilain black metal, on se doute que ce n'est pas dans la veine atmosphérique et mielleuse que les trois lascars vont planter leur manche, pas plus d'ailleurs que dans la mouvance tortueuse et labyrinthique. Forcément brutal sera le fruit de leurs ébats. 

C'est à la fin de l'année 2020 que Liem ressent le besoin viscéral de cracher toute la haine collectée ces derniers temps. Et qui de mieux que ses deux anciens compères pour l'épauler dans ce projet aux allures de catharsis ? Un premier jet est rapidement capturé et intéresse tout aussi rapidement Source Atone Records, jeune label monté notamment par Krys Denhez (Demande à la Poussière). Point de death grind au menu donc mais un black metal qui ne fait pas vraiment dans la dentelle, c'est le moins que l'on puisse dire. 

Sa (très) courte durée - moins de trente minutes - comme celle de ses huit saillies promettent une agression façon blitzkrieg, celle qui moissonne les cadavres à la manière d'un blindé devenu fou. Un peu comme le fameux "Panser Division Marduk" considéré à juste titre comme le "Reign In Blood" de l'art noir. Il y a un peu des Suédois chez Néfastes. Mais aussi du Bathory avant que Quorthon ne se souvienne de ses racines Viking. Et du Celtic Frost également. Bref, les Français renouent avec le mal originel lorsque le black metal n'avait pas encore oublié sa fonction d'exutoire aussi froid que bestial. 

Deux qualificatifs qui siéent bien entendu parfaitement à l'approche retenue par Liem et ses comparses, qui déversent leur bile fielleuse en copulant violence en béton armé et ambiance malsaine de charogne. Car la grande force de "Scumanity" réside, entre autres, dans cette capacité à ne jamais sacrifier les atmosphères sur l'autel d'une sauvagerie pourtant débridée et ce, au sein d'un même morceau, aussi trapu soit-il. 

Le pedigree de ses géniteurs n'empêche donc pas ce premier signe de mort d'être un pur album de black metal qui blaste au quatre vents ('Progéniture Décadente') mais gravit aussi les reliefs granitiques de l'Europe de l'Est ('Carved Into The Flesh'), s'abîme dans les entrailles d'une geôle sinistre et pourrissante ('Charognards') ou donne envie de se briser la nuque ('Ashes Return' que perfore dans sa seconde partie un break plombé'). Julien Truchan étonne dans un registre qui le voit fouiller au plus profond de lui-même la radicalité nihiliste que réclame cette musique suintant l'urgence et le dégoût. Mais cette impeccable écriture au cordeau rappelle l'exigence et le métier des trois protagonistes pour qui la brutalité primaire rime toujours avec un sens de la composition millimétrée. 

Puisant sa sève haineuse et malfaisante dans le terrain vague de notre (in)humanité, Néfastes accouche d'un méfait classique dans sa violence primitive mais moderne dans sa noirceur aussi venimeuse que maladive. Le groupe est-il destiné à durer ou bien ne répond-il qu'à une urgence vindicative ressentie par ses créateurs ? L'avenir nous le dira. Son potentiel appelle très vite une suite mais si "Scumanity" devait demeurer orphelin, cela l'auréolerait assurément d'une stature culte. (08.08.2021 | MW) ⍖⍖⍖

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