30 mars 2022

KröniK | Mayhem - Atavistic Black Disorder / Kommando (2021)




Mine de rien, Mayhem approche tout doucement des quarante ans au compteur, âge vénérable pour un groupe de black metal. De ce fait, les Norvégiens pourraient vouloir lever le pied. Mais non. Il faut dire que le recrutement il y a d'une dizaine d'années des guitaristes Teloch et Ghul a injecté du sang neuf au dinosaure, même si ces deux recrues ne sont pas vraiment des puceaux, promenant au contraire leurs guêtres depuis longtemps dans les absides de la chapelle noire. 

Deux ans après un Daemon de bonne mémoire, cette figure tutélaire du genre est de retour non pas avec un nouveau méfait mais un EP, rempli néanmoins de sept titres pour presque une demi-heure de sonorités sombres et glaciales. Et il y a un peu de tout dans "Atavistic Black Disorder / Kommando", fruit des sessions d'enregistrement du dernier opus en date : un titre inédit, deux autres ayant servi de bonus à l'édition limitée de "Daemon" et quatre reprises. Mais cet assemblage hétéroclite présente au moins deux mérites : confirmer que Mayhem dresse toujours une puissante inspiration et rappeler que pour ces musiciens, la musique ne commence pas avec le black. 

Consacré à leur propre matériel, la première partie (soit la face A du vinyle) témoigne que les Norvégiens demeurent les saigneurs du genre. 'Voces Ab Alta', 'Black Glass Communion' et 'Everlasting Dying Flame' s'enfoncent dans le même terreau malsain et torturé que "Daemon" dont ils forment le complément. Eu égard à leur insolente qualité, il eut été dommage qu'ils n'aient pas droit à un écrin à part entière. Surtout le premier des trois et seul inédit du lot, qui offre une performance vocale effrayante d'Attila Csihar, ténébreuse et baroque. 

Cette entame vertigineuse nous évoque l'interprétation live de "De Mysteriis Dom Satanas" que le groupe a exécuté pour les trente ans de cet album. Même ambiance gelée, même force souterraine, même sève mortifère inoculée dans les veines du pèlerin qui l'embrasse. Ce ne sont donc pas des compos au rabais ramassées pour avoir un machin à vendre. Mieux, elles méritaient largement de figurer au menu de "Daemon" tant elles prolongent l'excellence macabre et dissonante. 

La seconde partie héberge les quatre reprises, toutes puisées dans le répertoire punk. Les Ramones ('Commando'), Discharge ('In Defense Of Our Future'), Dead Kennedys ('Hellnation') et Rudimentari Peni ('Only Death') sont convoqués par le groupe, occasion pour lui de se faire plaisir en rendant hommage à un style dans lequel s'enracinaient plus ou moins profondément certains artisans historiques de l'art noir, tels que Venom ou Bathory. Mayhem a poussé la réjouissance en conviant ses deux anciens chanteurs, Messiah et Maniac, très à l'aise dans ce registre rageur et énervé. Si notre préférence tire davantage vers l'autre face, reconnaissons que ces relectures qui transpirent l'urgence s'avèrent excellentes car les Norvégiens ont su se les approprier, les frappant de leur sceau froid et granitique. 

Loin du produit bassement mercantile pour tirer profit de l'aura vendeuse de ses géniteurs, "Atavistic Black Disorder / Kommando" souligne la vitalité de Mayhem en même temps qu'il ferme le chapitre ouvert par "Daemon". Indispensable ! (14.08.2021 | MW) ⍖⍖⍖

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