C'est un euphémisme que d'affirmer que ce premier album de Heavy Temple était attendu comme le messie par tous les fidèles de la chapelle doom psyché. Il aura fallu presque dix ans au groupe et plus particulièrement à sa prêtresse pour accoucher - enfin ! - de cette offrande que nous n'espérions presque plus. De multiples EPs, singles et un split avec Wolf Blood ainsi que de tous aussi nombreux changements de personnel ont à la fois préparé et reculé la naissance de Lupi Amoris tandis que de mémorables concerts n'ont fait que souligner le juteux potentiel de cette formation basée à Philadelphie, elle-même vivier d'une scène riche en plomb entre Ruby The Hatchett ou Crypt Sermon, pour ne citer que deux exemples parmi les plus représentatifs.
Malgré tout, une (trop) longue attente peut se solder par une déception. Cet opus est-il bien le graal tant fantasmé ? Ces doutes sont d'autant plus légitimes que depuis que Heavy Temple a vu le jour, le doom est de plus en plus conjugué au féminin, rendant la concurrence particulièrement rude entre tous ces groupes fardant leurs bûches d'une ensorcelante couche de mascara. Si d'aucuns regretteront sa très courte durée (trente-deux petites minutes, c'est peu pour combler une telle attente), le fait est que Lupi Amoris ne déçoit absolument pas. 'A Desert Through The Trees', le titre d'ouverture, suffit à balayer tel un fétu de paille cette vague inquiétude associée à cette interminable gestation. En cinq minutes, la messe est déjà dite et bien dite. Riffs coulés dans le creuset sabbathien et prêche enfumé irriguent cette composition qui se pare d'un voile brumeux et s'envole très haut lors d'une dernière partie orgasmique.
'The Wolf', qui lui succède, appuie plus encore sur le psychédélisme avec ces synthétiseurs échappés des années 70 et cette guitare noyée sous les effets cependant que High Priestness Nighthawk surplombe le tout avec sa voix aussi chaude que puissante. La chanteuse a assurément trouvé les bons musiciens pour donner vie au doom moelleux qui coule dans ses veines. Si 'Isabella' se love dans une couche pesante, étirant ses charmes sur près de dix minutes durant lesquelles basse toute en rondeur et six-cordes lunaire copulent fiévreusement, les Américains ne se montrent jamais aussi jouissifs que dans un format plus trapu. A l'image de 'The Maiden', qui est une manière d'hymne granitique en même temps que la parfaite illustration de la griffe Heavy Temple, c'est-à-dire cet alliage entre atmosphères spatiales et traits lourds mais nerveux sur fond de chant féminin sombrement romantique. Témoin aussi ce 'Howling Of A Prothalamion' mystérieux, instrumental percussif et progressif tout ensemble, qui cultive la facette la plus aventureuse du trio.
Lupi Amoris consacre non seulement Heavy Temple et révèle un magicien du doom psyché dont il transcende les codes avec une habileté tranquille et galvanisante. (12.07.2021 | LHN) ⍖⍖⍖
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