28 février 2022

KröniK | Impure Wilhelmina - Antidote (2021)




La musique adoucit les mœurs, dit-on, mais elle possède d'autres vertus, celle notamment de combattre le mal-être et les penchants les plus noirs tapis dans le cerveau. Telle est l'idée qui a guidé Impure Wilhelmina au moment d'enfanter un successeur à Radiation (2017). Antidote est son nom et il ne saurait mieux résumer ce septième effort des Suisses. 

Est-ce à dire que son écoute fait du bien, surtout en ces temps incertains et torturés ? La réponse ne peut se réduire à un oui ou à un non. Oui car cet album éminemment cathartique renferme un fort pouvoir curateur pour celui qui se laisse embrasser par ses mélodies et ce chant clair dramatique (nous y reviendrons). Mais ce baume n'en demeure pas moins sombre et douloureux, exsudant un désespoir fantomatique. Il suffit d'écouter un titre tel que 'Dismantling' qui héberge dans une dernière partie étonnamment brutale - voix hurlées et accélérations trempées dans un black metal abrasif -pour cerner les ambivalences d'un opus en clair-obscur, aérien et sévère tout ensemble. Comme la vie. Et comme l'âme humaine. 

Musicalement, Impure Wilhelmina reste cet objet très personnel, façonné par plus de vingt-cinq ans d'activisme, d'abord enraciné dans un terreau (post) hardcore peu à peu érodé par un ressac post rock. Toujours aussi intense, Black Honey a marqué une nette évolution en 2014 en laissant le chant clair de Michael Schindel emplir l'espace, donnant ainsi au son du groupe un cachet plus rock voire presque pop (dans le bon sens du terme), sans pour autant rogner sa forte identité. Antidote poursuit ce glissement vers un univers (faussement) plus accessible. 

On devine que chacune de ses dix compositions est le fruit d'une élaboration minutieuse, véritable travail d'orfèvre dont les rouages intimes ne se dévoilent que par petites touches. La technique, parfaite, n'étouffe jamais, bien au contraire, une émotion à fleur de peau, qui se dévide autant par l'entremise de guitares granuleuses, tour à tour osseuses, stratosphériques, plombées mais toujours poignantes,  que par le biais de lignes vocales puissantes et douces aux allures d'eau-forte. 

La beauté pure et tragique de ce chant à nul autre pareil s'avère plus que jamais l'élément le plus frappant d'une création dont le genre auquel elle appartient mise d'ordinaire moins sur cet organe que sur un noueux socle instrumental. Difficile de ne pas succomber à la performance de Michael Schindel, pinceau d'une dramaturgie empreinte de tristesse ('Umpredicted Sky') mais aussi d'espoir ('Solitude'). L'homme est la clé de voûte de cet édifice aussi fragile que robuste à l'image de ce 'Jasmines' qui conjugue tendresse et force souterraine. Œuvre plurielle mais d'une belle cohésion, "Antitode" se nourrit de cette constante ambiguïté pour aborder de multiples visages, batailleur parfois ('Midlife Hollow'), hypnotique ('Vicious'), malsain ('Torrent') mais toujours profond ('Gravel'). 

Refuge émotionnel et puissant, Antidote est un album magnifique de la part d'Impure Wilhelmina qui poursuit son évolution vers des rivages plus rock sans dénaturer sa personnalité ni même la vider de ses atours électriques. (09.07.2021 | MW) ⍖⍖

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