2 janvier 2022

KröniK | Opeth - Watershed (2008)




C’est un euphémisme que d’affirmer que Opeth avec sa neuvième observation était attendu au tournant. Doublement qui plus est.  Dans l’absolu, Ghost Reveries s’avérait être un grand disque. Replacé dans son contexte, celui de la carrière des Suédois, il reste une (relative) déception. Le groupe, et en premier lieu son maître à penser, Mikael Akerfeldt, devaient donc prouver qu’ils étaient encore capable de faire évoluer le navire, mission rendue plus difficile encore suite au départ surprise du frère d’arme du chanteur, le guitariste Peter Lindgren. Le remplacer tel était le second défi que Opeth devait assurer. Depuis dix ans et hormis l’adjonction de Per Wilberg aux claviers, la constitution du groupe semblait fixée. Il y eu bien le remplacement du batteur Martin Lopez par le mercenaire Martin (décidément !) Axenrot en 2005 mais ce changement restait somme toute minime. Il n’en va pas de même de Lindgren. Bien sûr, le guitariste ne composait pas (ou peu) mais il suivait Akerfeldt depuis la naissance d’Opeth. Avec lui, c’est une partie de l’âme du groupe qui s’en est allée. 

Pourtant, dès les premières secondes de cette nouvelle offrande, tous ses doutes sont immédiatement balayés. Si Ghost Reveries renvoyait l’image de musiciens en pilotage automatique, Watershed, en débutant par une courte ballade, le diaphane et délicat « Coil », illuminé qui plus est par quelques vocalises féminines, témoigne d’un groupe qui n’a pas peur de surprendre. Et des surprises, il y en a sur cet album. La présence, aussi éphémère soit-elle, d’une chanteuse, en est une première. Long, noir et brutal, « Heir Apparent » semble de prime abord s’inscrire dans une longue tradition de titres labyrinthiques où se mêlent le calme et la tempête, la beauté et la laideur et pourvu d’un final irrésistible. Mais survient ce solo du nouveau guitariste, Fredrik Akesson (Krux, ex Arch Enemy et bien d’autres), typiquement guitar hero des années 70 et surtout totalement inédit. Enorme. 

Et que dire de « The Lotus Eater », œuvre étonnante qui renouvelle le style d’Opeth avec classe et brio et dont la dernière partie, déglinguée, presque disco, est complètement hallucinante. De même, « Burdens », seconde ballade de l’album introduite par des notes de piano belles à en pleurer et magnifiée par la voix claire d’Akerfeldt, qui démontre par là-même quel grand chanteur il est devenu, semble se nourrir du « Soldier Of Fortune » de Deep Purple, que les Suédois ont d’ailleurs déjà repris sur scène. Les deux chansons sont bien entendues très différentes l’une de l’autre, mais pourtant il y a beaucoup de Ritchie Blackmore dans ce titre, notamment dans les accords égrenés par la guitare durant sa partie instrumentale. 

On sent bien, de manière générale que Opeth s’est ici fortement inspiré des superbes power ballads des seventies. Le son d’orgue de Per Wilberg illustre bien cette dette. En parlant du claviériste de Spiritual Beggars, il faut noter aussi que ses interventions sont mieux intégrées que sur Ghost Reveries. Les touches seventies ont moins l’air d’avoir été plaquées, elles se coulent  avec plus de bonheur dans la musique du groupe. A cette pause succède le sombre et envoûtant « Porcelain Heart », plus classique bien que tout aussi réussi, longue pulsation au puissant souffle mélancolique, tandis que « Hessian Peel » maîtrise l’art de la montée en puissance par le biais de deux parties cimentées par des nappes de claviers hantées : a une première, posée et acoustique s’enchaîne une seconde traversée par de multiples ambiances, noire et furieuse. L’écoute s’achève avec « Hex Omega » qui prouve que le style que le groupe façonne depuis quelques albums, entre progressif seventies, death metal et metal acoustique, est enfin parvenu à maturité. 

Si l’identité du groupe n’est pas révolutionnée (et ne le sera sans doute plus jamais), Watershed montre que celle-ci n’est pas figée. Opeth vit et c’est une excellente nouvelle. Mike Akerfeldt continue de travailler son art ; il parvient même à dépasser ses propres schémas de composition quand bien même une page s’est bien définitivement tournée avec Damnation. On tient pourtant là très certainement la meilleure cuvée du groupe depuis Blackwater Park en 2001. (28.06.2008) ⍖⍖⍖⍖

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire