Earthless a toujours été un groupe de scène avant tout. Non pas que ses albums studio ne sont pas bons, bien au contraire, mais le fait est qu'aucun d'entre eux n'est jamais vraiment parvenu à restituer la folie orgiaque et la démesure dont le trio californien ouvre les vannes une fois lancé pour une performance aux allures de jam cosmique et interminable. C'est à chaque fois essoré de sueur mais immensément heureux qu'on achève un concert des Américains avec lesquels rares sont les formations à rivaliser en termes de feeling psyché, bluesy et tout simplement rock.
Earthless, ce sont trois gars qui montent sur scène en baskets, branchent leur instruments et envoient la purée en faisant peu à peu monter la température. Idéalement épaulé par Mario Rubalcaba, sans doute le meilleur batteur du monde pour son groove métronomique, sorte de Ian Paice en mode stoner, et le bassiste Mike Eginton, aussi taiseux qu'essentiel, le guitariste Isaiah Mitchell décolle très haut vers les étoiles, arqué sur sa gratte, les pieds collés aux pédales d'effets.
Même quand la planète entière (ou presque) est confinée, le trio basé à San Diego trouve le moyen de jouer sur scène. Mais sans public, à la manière du Live At Pompei de Pink Floyd. Le précieux label italien Heavy Psych Sounds, bien connu des amateurs de bûches, s'est allié à la California Desert Wizard Association pour proposer un festival en plein air et en plein désert (celui de Mojave donc) réunissant cinq groupes du cru : Nebula, Spirit Mother, Mountain Tamer, STONER (le nouveau projet de Brant Bjork et Nick Oliveri) et bien sûr Earthless. L'évènement a été filmé puis décliné en cinq albums live. Celui auquel s'intéresse cette chronique est le premier d'entre eux. C'est aussi le plus long. Et le plus démentiel, évidemment.
Son menu que remplissent uniquement trois pistes (pour plus de 77 minutes !) nous replonge avec délectation à l'époque bénie du Deep Purple du début des années 70 avec ces versions live s'étirant à l'infini et cette façon de presser un matériau d'origine pour en tirer un jus intarissable. Plus l'écoute avance et plus les durées s'étalent au-delà du raisonnable (presque quarante minutes pour 'Lost In The Cold Sun' !). Mais Earthless n'est pas une question de raison, il est une question de foi et surtout de ressenti. De fait, il paraît vain de chercher à détailler ces trois titres qui échappent aux mots et aux descriptions, rampes de lancement vers les cieux inaccessibles remplis de logorrhées de guitare et de percussions groovy. Comme souvent avec les Américains, 'Sonic Prayer' incarne le point G de cet incroyable happening sonore au moins aussi jouissif que le mythique Live At Roadburn (2008).
Ce Live In The Mojave Desert dévoile un Earthless tel qu'en lui-même, propulsant son rock psyché instrumental vers des sommets. Mieux, les Californiens semblent ne jamais vouloir ni pouvoir s'arrêter, pour le plus grand plaisir de leurs fans, comblés par une telle débauche de feeling et une offrande aussi pantagruélique. (30.05.2021 | MW) ⍖⍖⍖⍖
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