13 janvier 2022

KröniK | Djevel - Tanker som rir natten (2021)




Si la Norvège n'incarne plus depuis longtemps l'épicentre de la scène black metal, cette contrée regorge encore d'excellentes hordes. Djevel compte parmi ceux-ci, assénant depuis plus de dix ans un art noir ancré dans la grande et belle tradition norvégienne mais qu'une expression minérale et abrupte l'exonère d'une quelconque démarche poussiéreuse sinon passéiste. Nostalgique et orthodoxe certes mais pas daté. 

Il faut dire que si le groupe est encore jeune, ses trois membres promènent depuis longtemps déjà leurs cartouchières. Ex Ljå, Trond Ciekals, le chanteur et guitariste, a ainsi vu défiler à ses côtés à peu près tout ce qui rampe au sein de la chapelle noire nationale du hurleur Erlend Hjelvik (ex Kvelertak) au bassiste Mannevond (Kolbrann, Furze) sans oublier surtout Dirge Rep, batteur légendaire qui a cogné pour Enslaved, Gorgoroth ou Gehenna. C'est d'ailleurs une autre légende qui le remplace derrière les fûts depuis 2017, l'ancien Emperor, Faust, rien de moins. Tout ça pour dire que, plus qu'une réunion de mercenaires du genre, Djevel est l'œuvre de musiciens dont le savoir-faire éprouvé leur commande une approche du genre d'une admirable pureté. 


Six offrandes ont déjà permis de juger la valeur de ce majestueux drakkar mais Tanker Som Rir Natten le propulse vers des cieux insoupçonnés. Il est même une manière de synthèse du black norvégien des années 90, sinistre et épique, forestier et furieux tout ensemble, conjuguant la puissance granitique d'un Enslaved ('Maanen skal være mine øine, den skinnende stierne mine ben, og her skal jeg vandre til evig tid ') et la sécheresse acoustique d'Ulver (l'instrumental 'Tanker Som Rir Natten'). Guitares grésillantes et batterie plantées dans la roche froide creusent des compositions fleuves aux allures de fjords tumultueux bordés de forêts paisibles que nimbent claviers ténébreux et notes squelettiques. 

D'emblée, le monumental 'Englene som falt ned i min seng, skal jeg sette fri med brukne vinger og torneglorier' nous entraîne dans une sente rocailleuse qui sillonnent à travers des bois lugubres. Après une intro lancinante qui brillent de glaciales lueurs nocturnes, le rythme s'emballe, vrillé par des riffs échappés du blizzard et que hantent de discrets chœurs vikings. La prise de son impressionne à la fois par sa clarté et son dénuement boisé, laissant respirer chaque instrument, notamment la frappe de Faust. Abrasive et mélodique, cette sentinelle pleine de majesté entame ainsi l'écoute de la plus enivrante des  manières. 

Gravissant de noueux reliefs escarpés, les titres suivants, certes moins forts, ne sont pas moins valeureux, à l'image de 'Naar maanen formørker solen i en dødelig dans, ber jeg moder jord opp til en siste vals' ou de 'Vinger som tok oss over en brennende himmel, vinger som tok oss hjem ' dont le format haut de plus de dix minutes leur ouvre des paysages que brisent de multiples crevasses au fond desquelles bouillonne une tristesse glaciale et crépusculaire. 

Mordu par le souffle du grand nord, Tanker Som Rir Natten est taillé dans l'écorce d'un black metal novégien pur et tourbillonnant, résineux et viking, épique et sinistre tout ensemble. Ce faisant, il installe Djevel au sommet du Valhalla. (16.05.2021 | LHN) ⍖⍖⍖

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