26 décembre 2021

KröniK | Opeth - Ghost Reveries (2005)




La principale surprise de cette huitième offrande d'Opeth, c'est justement de n'en receler aucune. Cela fait mal à énoncer, mais pour la première fois, le groupe suédois stagne, n'évolue plus et se contente, conscient de son propre style, de reproduire la recette qui lui a permis de peu à peu s'imposer comme une des formations les plus novatrices de son temps. Tout, de l'architecture des morceaux à la pochette une nouvelle fois signée Travis Smith (peu inspirée cette fois-ci), du mélange autrefois si original entre brutalité contenue et délicatesse aux atmosphères sombres et mélancoliques distillées, a déjà été entendu sur les glorieux prédécesseurs de Ghost Reveries, quand ce n'est pas carrément d'anciens plans qui sont pompés comme sur le pourtant très réussi "Ghost Perdition". 

Si nouveauté il y a, celle-ci est davantage à rechercher du côté des influences issues des seventies ("The Baying Of The Hounds" et ses nappes de mellotron hanté digne des grandes heures de King Crimson), lesquelles doivent beaucoup aux claviers de Per Wiberg, dorénavant membre permanent. Mike Akerfeldt est un grand fan des années 70 et ce n'est certainement pas un hasard si le visuel du livret représentant les musiciens n'est pas sans évoquer la pochette du Long Live Rock 'n' Roll de Rainbow ou de celui ornant le Heaven And Hell de Black Sabbath ! Toujours est-il que le recrutement du claviériste de Spiritual Beggars est un coup de génie, tant il enrichit le son du groupe qu'il colore d'une palette d'ambiances (proche de celles de Damnation) qui manquaient sans doute aux créations antérieures. Il est la pièce qui faisait défaut au groupe pour définir et fixer à jamais son identité musicale. 

Pour le reste, c'est du pur Opeth, majestueux, superbe, ténébreux, mais sans âme ni magie. Après avoir séparé ses deux visages, le noir et brutal sur Deliverance et le fin et acoustique sur son jumeau, Damnation, le groupe était forcé de les réunir de nouveau. Mais dans le genre, faire mieux que Blackwater Park semblait impossible, ce que confirme ce Ghost Reveries au demeurant bien fait et imparable. Car Akerfeldt n'a pas laissé son immense talent de composition au vestiaire et d'abord décevants, ces huit nouveaux titres finissent par faire leur trou, aidés qu'ils sont par une interprétation, comme à l'accoutumée, sans failles. 

Si l'influence de Steven Wilson, dont on aurait bien aimé qu'il fasse encore une fois profiter les Suédois de son génie, se veut par trop présente sur "Atonement", les monstrueux "Beneath The Mire", "Harlequin Forest" (dont les ultimes mesures ne sont cependant qu'une resucée du final de "Deliverance") et surtout "The Grand Conjuration", pièce maîtresse de l'album, incarnent tout ce que l'on adore chez Opeth : titres labyrinthiques où s'accouplent en une symbiose parfaitement réussie, voix d'outre-tombe, chants clairs, rupture de rythme, passant du bourrin le plus lourd à l'acoustique le plus raffiné, le tout auréolé d'influences progressives. 

Prise de risque zéro donc, mais une galette somme toute plaisante, parfaite pour inaugurer le nouveau contrat que les Scandinaves ont signé avec Roadrunner. Toutefois, il est évident que le successeur de Ghost Reveries sera une étape cruciale dans leur carrière : pourront-ils surpasser Blackwater Park et par la même continuer à évoluer ou seront-ils condamner à n'enfanter désormais que des photocopies, certes de qualité, mais photocopies tout de même, de ce dernier ? L'enjeu est colossal. (27.03.2007) ⍖⍖⍖

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