On sentait bien qu'avec Blackwater Park, Opeth était parvenu au bout de quelque chose. Somme de ses quatre prédécesseurs, cet album pouvait être considéré comme la dernière étape, l'apothéose d'une évolution artistique entamée sept ans plus tôt. Du coup, comment lui donner un successeur digne de ce nom, sans tomber dans la pale copie, dans la redite ? Voilà la question qu'a dû se poser Mike Akerfeldt lorsqu'il a fallut commencer à plancher sur le dit successeur.
Contre toute attente, le cerveau du groupe annonce rapidement la mise en chantier non pas d'un seul disque, mais de deux, entreprise casse-gueule s'il en est et dont bien peu sont sortis grandis (à l'exception de Queen, et dans une moindre mesure, Helloween). Afin de motiver ce choix ambitieux, les Suédois décident que les deux opus illustreront chacun un des deux visages du groupe qui jusqu'à présent formaient l'ossature de quasiment tous leurs titres : le premier sera sombre et brutal ; le second, acoustique, posé, mais néanmoins toujours aussi mélancolique.
En dépit du talent des musiciens, la réussite de ce projet n'allait pas de soi car, c'est justement dans ce mariage entre death metal et passages atmosphériques sous la forme de morceaux interminables dans la pur veine du rock progressif que réside toute la ténébreuse beauté d'Opeth. Séparer ces deux facettes n'était donc pas forcément une si bonne idée que cela. Portant, dès les premières mesures de Deliverance, le pan le plus extrême du diptyque donc (comme ne le suggère pas son titre), et par lequel le groupe a choisi de commencer, nous rassurent bien vite. "Wreath" déboule à toute berzingue et atomise l'assistance durant plus de 10 minutes.
Avec le gigantesque morceau éponyme, l'album monte en puissance, en même temps qu'il gagne en qualité. Pourvu d'un final monumental et volontairement répétitif, il est une première entorse au concept initial, avec ses moments de calme entre deux déflagrations. Le bouleversant "A Fair Judgement" (une des plus belles pièces que les Suédois aient composé) et l'intermède instrumental "For Absent Friends" vont dans le même sens et constituent manière de pause avant la plongée dans les abymes de la noirceur la plus absolue qu'incarnent les terrifiants "Master's Apprentices" et surtout l'abyssal et malsain "By The Pain I See In Others" et ses vocaux complètement possédés, ou fantomatiques lorsqu'ils résonnent d'un écho de l'au-delà, durant les derniers instants d'écoute, parfaite illustration de la pochette pour le moins dérangeante signée Travis Smith.
En définitive, même si Opeth, en laissant comme d'habitude respirer sa musique en opérant des échappées plus atmosphériques dans ses compositions, n'a pas totalement respecté son engagement, il n'en demeure pas moins que Deliverance peut se targuer d'être son méfait le plus brut, le plus extrême. Mais en contre partie, il lui manque cette subtilité qui émaillait ses prédécesseurs, et notamment Blackwater Park. La contribution cette fois-ci discrète du producteur Steven Wilson, mentor du géant progressif, Porcupine Tree, n'est sans doute pas étrangère à cette (relative) faiblesse, qui n'atténue en rien la puissance et l'indéniable réussite d'un album presque aussi bon que son ainé d'un an. L'impatience de pourvoir savourer Damnation, le segment acoustique, n'en est que plus grande. (29.03.2007) ⍖⍖⍖⍖
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