19 décembre 2021

KröniK | Opeth - Damnation (2003)




Si Deliverance explorait les penchants les plus noirs, les plus extrêmes d'Opeth, Damnation, son frère jumeau, offre quant à lui son visage le plus posé, le plus fin. Les deux facettes de l'identité du groupe, autrefois réunies en une parfaite symbiose au sein d'un même album, voire d'une même chanson, se voient donc séparées, pour former les deux pans d'un double album, telles les deux faces d'une même pièce. 

Suivant cette logique, cette septième offrande est donc dépourvue du moindre oripeau extrême. Point de voix caverneuses, ni d'accélérations brutales, ni de déluge de double grosse caisse, mais une musique sensible, délicate, presque vaporeuse parfois, à dominante acoustique, quand bien même une guitare électrique vient par moment s'y glisser, notamment sur "Widowpane", sans aucun doute le meilleur titre du lot. Le chant clair, admirablement maîtrisé par Akerfeldt, dont on doutait un peu de la capacité à chanter dans ce type de registre sur un disque entier, et les claviers et autres piano et mellotron, tenus par Steven Wilson (Porcupine Tree) forment les contreforts d'un édifice fantomatique, dont les contours semblent s'évaporer dans la brume. 

Bien que la signature des Suédois soit évidente, l'influence de Wilson, producteur de l'album, ne l'est pas moins. On reconnait aisément sa griffe dans les atmosphères mélancoliques répandues par les titres, dont la couleur sonore n'est de fait pas sans évoquer les travaux du multi-instrumentiste au sein de Porcupine Tree ou de No-Man également. Mais cela n'a rien de surprenant lorsque l'on sait que le Britannique a également écrit les paroles de "Death Whispered A lulabby" et s'est chargé des chœurs. 

Œuvre à part dans la désormais longue carrière d'Opeth, Damnation, dont le nom illustre bien l'ironie coutumière de son principal géniteur, nous dévoile finalement un autre visage de la formation, qui réside moins dans cette délicatesse qu'on lui connaissait déjà, que dans une inspiration qui trouve sa source dans les années 70 (Deep Purple, le rock progressif). Cette influence, jusqu'à présent bâillonnée, éclate aujourd'hui au grand jour, ce que confirmeront plus tard Ghost Reveries, ainsi que la reprise du "Soldier Of Fortune", bijou méconnu de la troupe de Ritchie Blackmore, interprétée sur scène, puis gravée sur l'édition limitée de ce même album. 

Encore une réussite incontestable à mettre à l'actif des Suédois, mais qui risque toutefois, en raison de son caractère par trop atmosphérique, de décevoir les fans qui les suivent depuis le début. Ceux-ci n'auront peut-être pas tort, l'art d'Opeth n'étant jamais aussi puissant que lorsqu'il combine le calme et la tempête. (28.03.2007) ⍖⍖⍖

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