20 décembre 2021

KröniK | Nordgeist - Frostwinter (2021)




En musique, le déterminisme géographique existe bien, dans le black metal plus que dans tout autre genre. Ainsi, un groupe installé au bord de la Méditerranée ne sonnera jamais d'une manière aussi glaciale ou minérale qu'une goule recluse au fond de sa grotte scandinave. Tout ça pour dire que l'origine géographique sibérienne de Nordgeist suffit déjà à évoquer un art noir d'une neigeuse rudesse, balayé par un blizzard sinistre. 

Si sa découverte dévoile une expression finalement bien moins lugubre que celle développée en son temps par Old Wainds, pour ne citer qu'un autre exemple de groupes figés dans le sol gelé de Russie (de Mourmansk pour être précis), il n'en demeure pas moins que cette mystérieuse entité souffle un froid arctique capable de congeler la pièce dans laquelle nous nous trouvons. De son nom au titre de son premier album, tout nous plonge ici dans un univers de neige et de glace, paysages désolés où les silhouettes sont avalées par une brume à la fois âpre et spectrale. 

Aux commandes de ce projet, il y a une femme cachée derrière une simple initiale (T.). Seule, elle se charge donc de tous les instruments, nous rappelant un autre one-woman band, français celui-là, Brouillard, avec lequel Nordgeist partage d'ailleurs plus que son format solitaire. Tous les deux martèlent un black metal Lo-fi dont les atmosphères immersives les poussent aux portes d'un ambient pulsatif se déployant par l'entremise de plaintes dilatées et répétitives qui confinent à une transe métronomique. Il y a presque trois ans déjà, sa contribution (une seule piste longue de 17 minutes) à Nordicwinter, split partagé avec Vinterkult, a suffi à faire remarquer la musicienne, expliquant l'attente suscitée par Frostwinter. Celui-ci est taillé dans la même écorce que le monumental 'Voron' grâce auquel nous l'avons découverte. 

Quatre compositions remplissent un menu de plus de cinquante minutes, c'est dire si Nordgeist prend son temps pour répandre des ambiances de congères nocturnes. Inaudible et écorché, le chant se révèle tellement lointain qu'il semble avoir été capturé dans les profondeurs d'une grotte enfouie sous le permafrost, les claviers possèdent une tessiture brumeuse, le pouls est saccadé et les guitares, mixées très en avant, noient l'ensemble sous une couche tentaculaire et volontairement opaque qui donne l'impression de voir se dresser une seule et même complainte de près d'une heure. 

Des moments de pur bonheur jaillissent pourtant de ce bloc érigé dans une éternelle nuit hivernale, au premier rang desquels s'impose l'immense 'Revenge', forteresse hypnotique que vrille une beauté aussi désespérée que souterraine, et dont les ramifications creusent d'obsédants sillons. Elévation d'une grande force émotionnelle, 'Winter' traduit parfaitement l'alliage dans lequel est sculpté ce black metal, à la fois polaire et rêveur cependant que 'Sorrow' confirme qu'en dépit de son titre évocateur d'une inexorable tristesse, Nordgeist ne se drape en vérité jamais dans une noirceur funèbre. 

D'aucuns jugeront sans doute Frostwinter trop répétitif, étirant à l'extrême des compos qui se ressemblent toutes. Mais de cette masse compacte que lacèrent guitares cyclopéennes et claviers fantomatiques, gronde une puissance bouleversante et évocatrice de ces territoires engourdis par une froideur sinistre. Frostwinter incarne parfaitement le premier album que nous attendions de la part de Nordgeist, chantre d'un black metal neigeux et atmosphérique enraciné dans les paysages sibériens qui l'ont vu naître.  (01.05.2021 | MW) ⍖⍖⍖⍖

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire