Après un hiatus de six années seulement, Bongzilla s'est reformé en 2015 mais n'avait pas encore couronné ce retour par une nouvelle rondelle. C'est enfin chose faite. Et bien faite. S'il est fréquent de voir ce type de comeback se solder par d'amères déceptions, à fortiori lorsque le revenant en question cumule les kilomètres au compteur, il n'y a aucune crainte à nourrir à l'égard des Américains dont les années (vingt-cinq ans d'âge quand même) n'ont ni entamé la puissance de feu ni tari le terreau dans lequel ils font pousser leur sludge doom de contrebande, bourru et poisseux comme il se doit.
En vérité, ce retour, nous l'attendions depuis bien plus longtemps que cela puisque il faut remonter à 2005 et Amerijuanican pour trouver leur dernière trace discographique ! La défloration de Weedsconsin ne tarde pas à nous rassurer. Bongzilla n'a pas changé, toujours avide de jeux de mots (ah ce titre d'album !), toujours prompt à dresser une érection aussi massive que coriace, au bout de laquelle s'écoule un jus épais plein de riffs gros comme des câbles à haute tension et ces vomissures vocales dont le groupe ne semble avoir que faire. Et puis toujours la dope, la beuh, la weed. Plus qu'une profession de foi, une raison de vivre. Le groupe a bâti toute sa carrière sur le cannabis sans lequel une de ses galettes n'en serait pas vraiment une. Bref, Bongzilla continue de faire ce qu'il sait faire de mieux et ne s'emmerde pas à évoluer.
Pour autant, est-ce à dire qu'il ne s'est pas quelque peu assagi ? Les dix minutes imbibées de psychédélisme (bien pesant le psychédélisme quand même) du bien nommé 'Space Rock' pourrait le laisser croire, ou craindre, c'est selon. Pourtant, ce trip qui sent bon la fumette ne se départit jamais vraiment de cette force grincheuse comme un ours mal léché propre aux Ricains. Et certes remisé au rang d'accessoire, il y a toujours ce chant dégueulé qui reste aussi leur marque de fabrique. En dépit de ses airs tenaces de rampe de lancement pour une interminable et dantesque jam, 'Earth Bong/Smoked/Mags Bags' impose un constat identique car, fort de cet alliage (d)étonnant entre décontraction et férocité velue, ce quart d'heure écrase néanmoins tout sur son passage, colosse au bord de la rupture où les guitares coulées dans le mazout hurlent comme si demain ne devait plus jamais exister. On imagine sans peine les dégâts que ce morceau occasionnera sur scène, domaine noyé sous la fumée des joints et trempé dans la Budweiser où Bongzilla demeure le King.
Encadrant ces deux gigantesques golems, 'Sundae Driver' crache la poudre, atrabilaire et pachydermique, 'Free The Weed', une fois le bassiste Muleboy bâillonné, libère une coulée de lave épaisse comme la semence après une abstinence forcée tandis qu'en fin de parcours, 'Gummies' confirme la dimension puissamment instrumentale de Weedsconsin.
Alors que nous guettions son retour aux affaires depuis longtemps, Bongzilla ne déçoit pas, débitant la bûche que nous attendions tous. Mieux, les Américains apparaissent même plus en forme que jamais, le verbe agressif, le riff plombé et grumeleux, loin de la mollesse à laquelle l'abus de pipe à eau devrait les condamner... (23.04.2021 | LHN) ⍖⍖⍖
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