14 décembre 2021

CinéZone | Wayne Kramer - Lady Chance (2003)




Scénariste et réalisateur d'une poignée de films, Wayne Kramer n'aura réellement connu qu'un seul vrai succès critique, Lady Chance. Il y renouvelle avec jubilation et nostalgie trois figures du polar noir : le cave, la femme fatale et le patron d'un club ou autre tripot. 

Le cave, c'est Bernie, le cooler du titre original, porte scoumoune chargé de faire perdre les joueurs trop chanceux dans les casinos. Il lui suffit de frôler une table de jeu pour foutre la poisse à ceux qui y jouent. Cette guigne infuse même toute sa vie privée qui tient du néant affectif même s'il a un fils, plus minable que lui encore. La femme fatale, c'est Natalie, serveuse au Shangri-La, chargée de séduire Bernie afin qu'il renonce à démissionner. Contre toute attente, elle finira par être séduite par cet homme mélancolique qui saura la comprendre. Le Boss, c'est Shelly, le patron du casino, être brutal et mafieux qu'une vague humanité n'a pas encore totalement déserté. 

Le premier est campé par William H. Macy, éternel second rôle formidable en Droopy amoureux. La méconnue Maria Bello confère charme et fragilité à son personnage. Son regard qui accroche fugacement la caméra au moment de se lancer dans un striptease le premier soir, lui suffit pour trahir le double-jeu qu'elle mène tout d'abord. Enfin, Alec Baldwin, longtemps dans l'ombre de Kim Basinger, livre une de ses meilleures performances dans ce genre de rôle parfaitement détestable qui demeure toujours du pain béni pour un comédien. Il y est écrasant. Livrant une interprétation jubilatoire, le trio porte le film auquel il confère sa force et sa tendresse tant il est facile de s'identifier à ce foireux magnifique, anti héros attachant qu'on souhaite voir enfin touché par le bonheur et la chance...  

Comédie policière qui évolue presque aux confins du fantastique, Lady Chance séduit aussi par le doigté de la mise en scène  (l'ouverture louche sur le style enveloppant des De Palma et autre Scorsese) et par le portrait crépusculaire qu'il tisse en filigrane de Las Vegas, opposant la tradition à la modernité. La revanche du looser se double ainsi de la déchéance de Shelly, nostalgique de cette ville du péché en pleine mutation qui ne tardera plus à disparaitre, avalée par le désert tel un mirage. A la fin, c'est un autre patron aux méthodes mafieuses qui prendra sa place, plus lisse mais non moins brutal et dépourvu, lui, du moindre sens de l'honneur. (vu le 23.04.2021) ⍖⍖⍖⍖



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