A Certain Killer, dont le titre original est Aru Koroshi Ya, a été baptisé en français, Le silencieux. Pour une fois, la traduction tombe juste car elle désigne autant ce personnage de tueur au verbe lapidaire que sa manière d'exécuter ses contrats à l'aide d'une aiguille enfoncée dans la nuque de ses victimes. Raizō Ichikawa interprète cet homme solitaire au sang froid qui n'est pas sans évoquer Alain Delon quand il est dirigé par Jean-Pierre Melville, la morgue romantique en moins et une forme de tranquillité feutrée en plus.
On ne peut d'ailleurs s'empêcher de penser au Samouraï en visionnant ce film, notamment pour la chambre au dénuement sordide dans laquelle réside Shiozawa. Tous les deux ont été tournés cette même année 1967. Lequel a inspiré l'autre ? On est cependant tenté de croire que c'est plutôt Kazuo Mori qui est redevable de Melville même si le Français n'a jamais caché son admiration pour le cinéma japonais classique.
Décédé prématurément deux ans plus tard, emporté par un cancer, Ichikawa reprendra son rôle dans A Killer's Key (Aru Koroshiya No Kagi ), sous l'égide du même réalisateur. Nonobstant le plaisir que distille cette suite, A Certain Killer lui est toutefois bien supérieur car plus audacieux dans sa construction fragmentée faite de multiples retours en arrière. Son canevas n'en reste pas moins curieux. Ainsi, à une première partie flirtant avec la comédie, laquelle voit le tueur encombrée d'une fille à la moralité douteuse, aussi truculente que lui est mutique, succède ensuite l'exécution du contrat sur fond de rivalité entre clans de yakuza, avant d'embrayer sur une histoire de vol d'une grosse marchandise de drogue ourdi par un étrange ménage à trois.
Si, habile artisan de séries B, Mori livre un travail extrêmement efficace, planté dans un décor de banlieue sinistre entre cimetière et baraques délabrées, l'envoûtement qu'exhale Le silencieux doit en vérité beaucoup à ses deux principaux comédiens qui forment une couple improbable. Raizō Ichikawa donc, qui compose un tueur attachant, héros solitaire et mesuré qu'on aurait aimé le voir endosser plus souvent, mais aussi Yumiko Nogawa au charme aussi espiègle que perfide. Il s'agit en résumé d'un superbe polar qui peut servir d'idéale porte d'entrée dans l'univers méconnu du cinéma de genre japonais... (vu le 28.04.2021) ⍖⍖⍖
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire